Joseph de Marie-Hélène LAFON

Joseph - Parution : septembre 2014 aux éditions Buchet – Chastel

Le genre, le style : roman français délicat et juste sur un monde rural en voie d’extinction.

Les lieux : dans des fermes du Cantal.

L’auteur : Marie-Hélène est née en 1962 à Aurillac, elle enseigne les lettres classiques à Paris. Ses nouvelles et ses romans sont ancrés dans le monde rural. Elle dit d’elle qu’elle est « un écrivain de sillon » ou qu’elle « travaille comme on laboure ». Ses maîtres sont Flaubert, Céline, l’Iliade et pour les contemporains Michon, Millet et Bergounioux.

Tous ses textes ont obtenu des prix littéraires, « Le soir du chien » en 2001 a reçu le prix Renaudot des lycéens. « Joseph » figurait dans la dernière sélection du prix Femina 2014.

L’histoire : à bientôt 60 ans Joseph, ouvrier agricole, se souvient des gens, des fermes où il est passé, d’un amour malheureux qui l’a amené au bord du précipice alcoolique, de son frère parti du pays et qu’il ne voit plus beaucoup, de sa mère partie elle aussi vivre chez le frère. Il est seul, alors il observe la vie des autres à défaut d’avoir pu construire une vie, une famille.

Mon avis : il y a des livres qui jouent avec vous comme le font les histoires d’amour manquées. J’ai acheté ce livre à sa sortie lors de la rentrée littéraire de septembre. J’ai lu une dizaine de pages je n’ai pas accroché, alors je l’ai rangé sous la pile de livres de ma table de nuit. Pas grave me suis-je dit, je le reprendrai plus tard. Il m’était arrivé la même chose avec « Rue des boutiques obscures » de Modiano acheté sur les quais il y a trente ans et laissé de côté pour manque de motivation… et repris avec bonheur dix ans après.

Chose faite en ce mois d’avril : quel merveilleux roman !

Le livre fermé j’étais persuadée d’avoir connu Joseph quelque part, sans doute dans les souvenirs de mon père, paysan de la Nièvre. Car beaucoup de Joseph, ouvriers agricoles, ont peuplé les campagnes françaises. Ses souvenirs sont précis, ce sont ceux d’une vie difficile, exigeante, peuplée de chiens fidèles, de patrons et de patronnes généreux ou salauds, d’histoire d’amour ratée, de bêtes à s’occuper tous les jours de l’année, de foin à ramasser en urgence avant l’orage quelque soit le jour, férié ou non, de canons pris un peu trop souvent au café du village.

L’écriture est belle, sensible. Impossible, quand on a eu un membre de sa famille « dans la terre », de ne pas être touché par ce roman. Pour les autres les gens de la ville je ne sais pas… mais je l’espère.

Extrait : Quand on rentre dans une étable bien tenue, l’odeur large des bêtes est bonne à respirer, elle vous remet les idées à l’endroit, on est à sa place. Joseph avait toujours retrouvé ça dans sa vie, même aux pires moments. Il avait surtout aimé s’occuper des veaux qui grandissaient tous dans les fermes avant la mode de les vendre à trois semaines pour l’engraissement en Italie ou ailleurs ; même dans les grands troupeaux comme celui des Manicaudies il n’aurait jamais confondu un petit avec un autre, il ne leur faisait pas de manières, on n’avait pas le temps et tout le monde se serait moqué ou l’aurait pris pour un original, mais il avait juste la patience qu’il fallait, sans se laisser déborder. En entrant dans une étable ou en voyant un troupeau dehors, à l’herbe, il savait au premier coup d’œil, et aussi à l’oreille, si les choses allaient comme il faut. Il n’avait pas toujours eu le choix, il avait dû, certaines fois travailler dans des conditions qui lui tordaient le ventre mais il n’était jamais resté longtemps dans ces fermes. Il avait appris à se méfier des gens que les bêtes craignaient, les brutaux et les sournois, surtout les sournois qui cognent sur les animaux par-derrière et leur font des grimaces devant les patrons (…).

Pour résumer : magnifique ! Ce texte m’a ému. N’attendez pas une sortie en poche, c’est un petit texte de 140 pages à 13 € prix éditeur.

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