Parution : mars 2016 aux éditions du Seuil
Le style, le genre : essai de géopolitique à compléter par L’Atlas géopolitique de la Russie (éditions Autrement)
L’auteur : Jean-Robert est un ancien élève de l’ENA et de l’institut d’Etat de relations internationales de Moscou. Il enseigne la civilisation postsoviétique à Sciences Po Paris.
Le thème : L’auteur s’intéresse à la politique étrangère de Vladimir Poutine qui est interprétée à tort comme celle d’un pouvoir sûr de lui-même. En réalité les différents chapitres nous montrent qu’elle ne fait que refléter les fragilités de la Russie depuis l’effondrement de l’Union soviétique.
L’essai est divisé en trois grandes parties. Première partie consacrée à la personne de Poutine puis à ce que l’auteur appelle « l’insoluble équation intérieure » (crainte de balkanisation intérieure de la Russie, proposition d’un contrat social d’un genre nouveau : l’amélioration du quotidien de la population en échange de leur indolence politique). La deuxième partie est consacrée au soubassement intellectuel du régime, en l’occurrence le vide idéologique post soviétique revitalisé par la formule de Poutine « au cœur de toutes les victoires et de toutes les réussites de la Russie, il y a le patriotisme, la foi et la force d’âme ». La troisième partie est consacrée aux grandes orientations de sa politique étrangère que ce soit dans l’étranger proche ou dans l’étranger lointain, ainsi que de la relation empreinte de nostalgie avec l’Occident. Comme l’explique en 2014 Donald Tusk alors président polonais du Conseil européen « la Russie n’est pas notre partenaire stratégique, c’est notre problème stratégique. »
Mon avis : un sentiment de profonde insatisfaction devant l’approximation médiatique m’a poussée à demander cet été un conseil de lecture à un libraire expert en relations internationales pour enfin savoir ce que Poutine a dans la tête ! Les deux ouvrages que je propose à la lecture aujourd’hui suffisent amplement à un lecteur curieux mais pas spécialiste pour comprendre que la Russie est bien moins puissante qu’elle ne paraît mais aussi, de ce fait, plus menaçante car manipulée et fragile. L’auteur nous présente les cadres idéologiques des deux premiers mandats : le patriotisme, la puissance, l’étatisme et la solidarité sociale. « Pour Vladimir Poutine les relations internationales sont assimilables à un état de nature hostile où la loi du plus fort finit toujours par l’emporter. »
J’ai particulièrement été intéressée par le chapitre sur les faiblesses intérieures du pays « Les identités concurrentes » notamment avec :
– les défis dans le Caucase du nord du salafisme et du wahhabisme qui défient l’islam traditionnel hanafite et chafiite
– la décroissance de la population russe. Le dépeuplement de la Sibérie et de l’Extrême Orient russe attise la convoitise des régions surpeuplées de la Chine voisine en recherche de territoires.
Le problème des ressources :
– faible diversification de l’économie avec l’épuisement des champs gaziers, le réchauffement climatique, etc.
L’auteur arrive à nous faire sentir le contraste entre la faiblesse intérieure du pays et la virulence de son positionnement extérieur. « Le président russe est surtout un tacticien qui définit son action en fonction des opportunités du moment. » Poutine a imaginé un stratagème pour masquer ces faiblesses « L’idée russe » : souveraineté, idéologie nationale, État sans amis (seulement des voisins qui le craignent, des partenaires commerciaux et des protégés).
Pour résumer : j’engage tous ceux qui sont intéressés par la géopolitique et l’histoire et à tous les passionnés de l’actualité contemporaine à lire ce livre qui fait le tour d’une question avec clarté et précision. Passionnant et encore un peu plus inquiétant depuis quelques jours, Poutine + Trump = …
A compléter par le deuxième ouvrage conseillé L’Atlas géopolitique de la Russie aux éditions Autrement.