Parution : mars 2012 aux éditions du Pommier dans la petite collection Manifestes.
Le genre : essai sociologique et philosophique.
L’auteur : Michel Serres est né le 1er septembre 1930 en Lot et Garonne. Sa formation passe par l’Ecole Navale de Brest (1949) avec un service dans la Marine Nationale notamment à l’époque de l’expédition de Suez (1956 à 1958), par l’Ecole Normale Supérieure de Paris (1952) où il réussit l’agrégation de philosophie. Enfin en 1968 il obtient un doctorat de Lettres. Il est élu à l’Académie Française en 1990. Il enseigne aux Etats Unis à l’université de Stanford depuis plus de trente ans. Il a publié depuis 1968 plus de 60 ouvrages. Vous pouvez l’entendre sur France-Info tous les dimanches dans une chronique passionnante « Le sens de l’info ».
Le thème : Chaque révolution technologique produit un humain nouveau. Ces révolutions se produisaient sur de longues séquences temporelles, pour vous rafraichir la mémoire voir celles séparant par exemple Homo Habilis de Neandertal ou de Sapiens. Le développement fulgurant des nouvelles technologies qui, en un siècle seulement et singulièrement ces 30 dernières années, a envahi notre espace a créé un nouvel homme ; Michel Serres l’a appelé Petite Poucette, en référence à l’habileté des jeunes à se servir de leurs pouces pour textoter, surfer et prendre possession du savoir.
Petite Poucette va devoir réinventer une nouvelle manière de vivre dans la Société, une nouvelle manière d’apprendre aussi… Monsieur Serres espère de cette nouvelle ère le triomphe de la multitude (anonyme) sur les élites dirigeantes(bien identifiées) ; du savoir discuté sur les doctrines enseignées ; d’une société immatérielle librement connectée sur la société du spectacle à sens unique…
Mon avis : Nous avons la chance en France d’avoir Michel Serres homme passionnant qui, même âgé, n’arrivera jamais à être vieux. Cerné par une flopée de pessimistes, masse fatiguée englobant professeurs, observateurs et anciens enfants (« c’était mieux avant »), il préfère porter un regard lucide et bienveillant sur les nouvelles générations qui dans un monde soumis à l’accélération des techniques, des modes de vie et du rapport à la Terre s’en sortent comme ils peuvent ! Les enseignants et les parents ont tout à gagner en lisant ce livre. Le chapitre 2 est consacré à l’école avec ce passage renversant mais tellement vrai, je cite :
« Formée dès l’enfance, aux classes élémentaires et préparatoires, la vague de ce que l’on nomme le bavardage, levée en tsunami dans le secondaire, vient d’atteindre le supérieur où les amphis, débordés par lui, se remplissent, pour la première fois de l’histoire, d’un brouhaha permanent qui rend pénible toute écoute ou rend inaudible la vieille voix du livre. Voilà un phénomène assez général pour que l’on y prête attention. Petite Poucette ne lit ni ne désire ouïr l’écrit dit. Celui qu’une ancienne publicité dessinait comme un chien n’entend plus la voix de son maître. Réduits au silence depuis trois millénaires, Petite Poucette, ses sœurs et ses frères produisent en chœur, désormais, un bruit de fond qui assourdit le porte-voix de l’écriture. Pourquoi bavarde-t-elle, parmi le brouhaha de ses bavards camarades ? Parce que, ce savoir annoncé, tout le monde l’a déjà. En entier. A disposition. Sous la main. Accessible par Web, Wikipédia, portable, par n’importe quel portail. (…) Nul n’a plus besoin des porte-voix d’antan, sauf si l’un, original et rare, invente. »
Pour résumer : petit livre de 82 pages indispensable pour ne pas créer de fracture entre générations. Un lien à consulter pour vous donner encore plus envie de le lire : http://www.lejdd.fr/Economie/Actualite/Serres-Ce-n-est-pas-une-crise-c-est-un-changement-de-monde-583645