33 jours de Léon WERTH

Parution : aux éditions Viviane Hamy en septembre 2015.

L’histoire éditoriale de ce livre est un peu particulière. C’est Antoine de Saint-Exupéry (un des meilleurs amis de Léon Werth) qui emporte dès octobre 1940 le manuscrit de 33 jours à New York, désireux de faire connaître ce « grand livre ». Un contrat est signé mais pour des raisons obscures le manuscrit ne sera pas publié. C’est en 1989 que Viviane Hamy décide de le retrouver (dans les archives du fils de Léon) et de le faire paraître.

Dans cette présente édition nous pouvons lire la préface de Saint-Ex qui était prévue dès l’origine, perdue elle a été retrouvée par un éditeur américain en 2014.

L’auteur : Léon Werth est né le 17 février 1878 à Remiremont (Vosges). Son père était drapier et sa mère était la sœur du philosophe Fredéric Rauh (positiviste, travaillant sur la morale). C’est un élève brillant antimilitariste et anticolonialiste. Foncièrement indépendant et hostile aux partis politiques il dénonce le stalinisme alors qu’il est plutôt considéré comme un homme de gauche. Il sera romancier, essayiste, journaliste et critique d’art. Il meurt à Paris le 13 décembre 1955.

Le genre, le style : récit historique

Les lieux : en voiture de Paris à Saint –Amour (Jura)

Léon Werth

Le thème : 33 jours est un court récit écrit à chaud quelques semaines après la débâcle de 1940. Le 11 juin Léon Werth décide de quitter Paris, les Allemands sont aux portes de la capitale, pour sa maison de Saint Amour dans le Jura. D’habitude il met neuf heures mais là il mettra 33 jours. Les habitants du nord fuient vers le sud ; sur la route des Français en voiture, en charrette, à cheval, à pied avec une seule envie : mettre en sécurité leurs familles. Le trajet n’est pas linéaire, il suit les chemins des petits et grands tracas bassement matériels : une voiture en panne, des soldats peu compréhensifs, des Français déjà tournés vers la collaboration, les comportements des citadins face aux campagnards, etc. Nous traversons avec Léon et sa femme le Loiret, l’ Yonne, la Nièvre, la Saône et Loire pour arriver dans le Jura.

Mon avis : un récit quasi sociologique de la France des années 40. C’est une petite partie de la guerre qui est racontée là, mais tous les comportements humains sont brossés de façon magnifique. Les Hommes ne sont jamais préparés aux exodes.

4 extraits pour vous donner envie :

« Deux jeunes gens partis de Paris, la veille, en motocyclette, abandonnent leur machine faute d’essence. Les nouvelles qu’ils donnent sont rassurantes.

– Nous sommes sortis très tranquillement par la Porte d’Italie. Nous n’avons pas vu d’Allemands. Il y en avait peut-être à la Porte Maillot, il n’y en avait pas à la Porte d’Italie…

Un des jeunes gens tue la poule. Mais il n’a pas l’habitude ; il ne l’a pas vidée de son sang. Et nous mangeons une viande noirâtre, qui a un vague goût de gibier. »

« Par la grille, on voit des groseilliers. Ma femme cueille quelques groseilles, les rapporte dans le creux de sa main. Elle a pris grand soin de ne pas casser les branches. Mais elle n’est pas sortie du jardin qu’un gaillard en chandail y pénètre et revient avec un trophée de branches. Celui-là est entré dans la guerre, celle du vainqueur comme du vaincu. Notre respect des branches de groseilliers déjà est anachronique. »

« Pendant huit jours, nous avons vécu avec des gens, dont quelques-uns nous paraissaient à peu près inexplicables. Du moins assez surprenants pour que nous ne puissions immédiatement les définir (…) »

« La France a toujours assimilé des nourritures étrangères. Cette assimilation, c’est toute son histoire depuis le XVIe siècle au moins. Mais, depuis 1930, tantôt par admiration, tantôt par épouvante, une partie de la France est en état d’hypnose devant l’Europe brutalisée. Madame Charroux, qui pleurait l’autre soir, parce que deux Françaises oubliaient devant les Allemands la dignité du vaincu, me parle aujourd’hui de communisme. La peur du communisme la met en état de transe. »

Pour résumer : livre à lire pas seulement pour découvrir un pan de notre histoire récente mais aussi pour sa qualité littéraire.

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