Parution : Editions Grasset en janvier 2015 pour le premier volume et en juin 2015 pour le deuxième. En poche aux éditions Le Livre de poche en avril 2016 pour les deux.
Le style, le genre : roman contemporain qui livre une vision lucide et âpre de notre époque.
Les lieux : à Paris dans le monde des « musicos » et dans celui des SDF.
L’auteur : Virginie est née le 13 juin 1969 à Nancy. C’est une femme qui possède une histoire et une personnalité inédite dans le monde littéraire français. Elle connaît une enfance et une adolescence, qu’on nomme communément et avec raison dans son cas, difficile… En rébellion sur presque tout elle connaît avant sa majorité un passage en hôpital psychiatrique, l’expérience de la rue, l’alcool, un viol, la prostitution… Elle avait frappé fort d’entrée en 1993 avec « Baise – moi » traduit dans une multitude de pays.
L’histoire : Premier tome – Vernon Subutex était disquaire, propriétaire d’un magasin à Paris appelé Revolver. Il a la quarantaine et dégringole doucement l’échelle sociale après la cession de son magasin. « Il n’y a pas que pour lui que les choses s’étaient dégradées rapidement. Jusqu’au début des années 2000, un tas de gens se débrouillaient plutôt bien. On voyait encore des coursiers devenir label managers, des pigistes décrocher un poste de directeur de rubrique télé, même les branleurs finissaient chefs d’un rayon disques à la Fnac… (…) D’aucuns prétendaient que c’était karmique, l’industrie avait connu une telle embellie avec l’opération CD – revendre à tous les clients l’ensemble de leur discographie, sur un support qui revenait moins cher à fabriquer et se vendait le double en magasin… sans qu’aucun amateur de musique y trouve son compte, on n’avait jamais vu personne se plaindre du format vinyle. La faille, dans cette théorie du karma, c’est que ça se saurait, depuis le temps, si se comporter comme un enculé était sanctionné par l’Histoire. »
Après quelques petits boulots dans le milieu de l’édition musicale et la vente de sa collection de vinyle et après la mort d’Alexandre Bleach, artiste bancable qui lui venait en aide, la dèche s’installe. D’abord radié du Rsa puis viré de son appartement il commence à squatter chez les copines et les copains, ex ou toujours musicos, en faisant croire qu’il revient du Québec et cherche un appartement.
Alors qu’il est hébergé chez Emilie, une ancienne bassiste et partenaire de ses fiestas passées, il lui confie ce qui va servir de fil rouge au roman : il a réalisé une interview improvisée et alcoolisée d’Alexandre Bleach et possède des cassettes de cet enregistrement. Il se pourrait bien qu’il y ait lâché quelques bombes dérangeantes pour certains.
Deuxième tome – Un 3e tome est à venir (pas de date encore à vous donner) – Au final c’est une nouvelle vie qui attend Vernon, il découvre la rue et ses personnages généreux, dingues ou violents. La réaction de tous ceux qu’il croise va transformer le roman. Sombre et tragique dans le premier tome, on s’attend à pire encore, Virginie va nous offrir une improbable rédemption collective… Je n’en dis pas plus sur ce second volume.
Mon avis : Le premier volume est centré sur Vernon, sa chute et sur ses anciens amis, le deuxième est plus dans l’observation de la réaction et du regard des dits amis sur son état de SDF dégagé de tout et quasi christique. Je voulais découvrir Virginie Despentes depuis un bon moment, examen réussi avec ce roman ambitieux, lucide et sans concession sur notre société. La trame romanesque est vraiment réussie, les personnages principaux et secondaires aussi. Il y a des passages bien sentis qui ne s’embarrassent pas de la langue de bois, j’aime ça ! Je ne pensais pas que j’aimerais autant ce livre même si mon enthousiasme a été un peu freiné par la lecture juste après d’un très grand roman allemand dont je parlerai dans peu de temps et qui affadirai n’importe quel bon roman… J’aurai dû comme je le fais habituellement l’écrire tout de suite après la lecture…
Pour résumer : roman urbain, contemporain et quasi sociologique sur un milieu très fragile et souvent marginal. Virginie pourrait me réconcilier avec le roman français…