Soumission de Michel HOUELLEBECQ

soumission
304 pages – 21€

Parution : en 2015 aux éditions Flammarion, en format poche J’ai Lu en décembre 2016.

soumission poche
315 pages – 8.40€

Le style, le genre : roman d’anticipation politique et sociétal.

L’auteur : Michel Houellebecq, de son vrai nom Michel Thomas, est né à St-Pierre de la Réunion, le 26 février 1956. Essayiste, poète, considéré par de nombreux critiques comme l’écrivain français le plus marquant de notre époque, il est traduit et lu dans le monde entier depuis Extension du domaine de la lutte (1994). Les particules élémentaires et Plateforme le font connaître d’un large public. Ces deux romans sont considérés comme précurseurs dans la littérature française du thème de la misère affective et sexuelle de l’homme occidental des dernières années du XXe siècle.Houellebecq

Il a reçu le prix Goncourt pour son roman La Carte et le territoire, en 2010. Soumission, paru en 2015, a suscité admiration et polémique, il a été un best-seller dans la plupart des pays européens et continue à susciter des réactions très marquées.

Les lieux : Paris, Martel (dans le Lot)

L’histoire : Nous sommes dans un futur proche, au moment des élections présidentielles de 2022, à la suite d’un deuxième mandat de François Hollande. François, un professeur d’université spécialiste de Joris-Karl Huysmans faisant carrière presque malgré lui et qui est peu motivé par l’enseignement, s’attend à une vie ennuyeuse mais calme, protégée des grands drames historiques. Mais de profonds changements affectent la société française, montée de l’Islam politique, vitalité de l’extrême-droite et effondrement de la social-démocratie. Ces changements se déroulent de façon insidieuse par démobilisation des forces traditionnelles de la gauche et de la droite démocratique, sans soubresauts, sans vraie révolution. Au lendemain des élections un nouveau paysage politique se dessine. Mohammed Ben Abbes devient président de la République et nomme François Bayrou Premier ministre…

Mon avis : très difficile de parler de ce roman de Houellebecq (et des autres aussi d’ailleurs) tant il déchaine de passions. Incroyable, et assez compréhensible je dois dire, le rejet que provoque cet écrivain. Je vais essayer de rester d’abord dans le factuel puis ensuite de verser dans le ressenti.

Son style ? Les critiques ont accusé Houellebecq de n’avoir aucun style, ce qui comme le souligne l’universitaire suisse Samuel Estier (auteur d’un essai sur le style de Houellebecq) est faux  » un style, c’est une manière d’écrire, et chacun en a une dès lors qu’il écrit« . Plat, minimal, inexistant sont les qualificatifs les plus souvent employés par les « anti ».

Les principaux thèmes abordés ?

  • une critique en règle de l’université,
  • la complicité des élites décrites comme lâches, cyniques et aveugles  » l’aveuglement n’avait rien d’historiquement inédit : on aurait pu trouver les mêmes chez les intellectuels, politiciens et journalistes des années 1930, unanimement persuadés qu’Hitler “finirait par revenir à la raison”,
  • la disparition de la France en s’appuyant sur des échos amplifiés (?) ou déformés (?) de la réalité d’aujourd’hui (quelques exemples ici ou là),
  • la place de la femme réduite à une condition soumise sur tous les plans, sociétal ou sexuel.
  • l’obsession du religieux : dans un entretien à L’Obs il juge que « l’athéisme est mort, la laïcité est morte, la République est morte », il constate « un puissant retour du religieux« .

J’ai franchement abordé ce livre comme une professionnelle du livre, il est des livres qu’il faut avoir lu ne serait ce que pour se forger une opinion et en discuter (j’avais lu en son temps avec curiosité L’extension du domaine de la lutte qui abordait l’âpreté du monde du travail mais aussi la misère sexuelle d’un anti-héros dépressif).

Au  plan purement romanesque, puisque c’est un roman, je suis déçue de la façon dont il évolue. Ça partait bien avec une base qui après tout tenait la route, une option politique possible (en tout cas pas impossible) pour la France et l’Europe dans les décennies à venir, malheureusement il se poursuit avec les agissements libidineux d’un vieux débris qui ne pense qu’à humilier les femmes, certains passages sont franchement déguelasses. Comme d’autres je ne suis même pas sûre que toutes les assertions politiques, religieuses ou antiféministes qu’ils professent soient réelles, les analystes de Houellebecq le classant comme « plus contemplateur que contempteur du nihilisme contemporain », je suis plutôt d’accord.

Est-ce qu’il ne s’agirait pas pour lui seulement de provoquer, de trouver un sens à son existence ? Cela semble être la raison d’être d’un frustré aigri qui s’appuie sur des problèmes réels de la société française et de la méfiance envers l’Islam soupçonné d’être incompatible avec les valeurs de la république.

Je suis également déçue par le style que j’ai trouvé effectivement plat et sans relief. Rien à voir avec des écrivains comme Drieu La Rochelle ou Céline tout aussi discutables mais qui possèdent une magnifique écriture.

Tout n’est pas à jeter, certains passages sur la toute-puissance des élites intellectuelles, leur compromission, la nullité et le manque de courage de beaucoup d’hommes politiques sont savoureux mais malgré tout j’ai vécu la lecture de ce roman avec l’attention qu’on prête à un être désespéré qui écrit pour survivre et qui visiblement trouve un écho dans le public… Lisez ce qu’il en dit :

(…) aussi profonde, aussi durable que soit une amitié, jamais on ne se livre, dans une conversation, aussi complètement qu’on ne le fait devant une feuille vide, s’adressant à un destinataire inconnu. Alors bien entendu, lorsqu’il est question de littérature, la beauté du style, la musicalité des phrases ont leur importance ; la profondeur de la réflexion de l’auteur, l’originalité de ses pensées ne sont pas à dédaigner ; mais un auteur c’est avant tout un être humain, présent dans ses livres, qu’il écrive très bien ou très mal en définitive importe peu, l’essentiel est qu’il écrive et qu’il soit, effectivement, présent dans ses livres.

Pour résumer : J’aime beaucoup cette phrase d’un éditorialiste de Marianne, Éric Conan. « Depuis un mois, le Tout-Paris littéraire se gratte donc le haut du crâne devant Soumission : que dire de ce gros caca avec plein de morceaux de vérité dedans ? »

3 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. lorenztradfin dit :

    Hah, la citation elle est belle !!

    1. anniemots dit :

      Oui ! Je l’ai trouvée excellente. Bonne soirée

  2. Comment c’est incroyablement et justement dit ! merci pour l’approche de ce roman dont je ne sais pas quoi penser (et que je n’ai pas lu), très bon week-end, louise salmone

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