Parution : Gallimard janvier 2007 – Folio 2008
http://www.gallimard.fr/Litterature-francaise
Le genre : roman initiatique (selon les mots de A. Bello) et d’anticipation
L’auteur : Antoine est franco-américain, né à Boston en 1970. Ecrivain depuis une bonne quinzaine d’années, il s’est distingué en 1998 avec la parution d’un roman intitulé « Eloge de la pièce manquante ». Il est également chef d’entreprise.
Les lieux : Reykjavik (Islande), Groenland, France, Cordoba (Argentine), Krasnoïarsk (Sibérie)
L’histoire : Sliv Dartunghuver, 23 ans, diplômé de l’université de géographie de Reykjavik, est embauché comme chef de projet par un cabinet d’études environnementales « Baldur, Furuset & Thorberg ». Quand il s’apprête à remettre le rapport de sa première mission au Groenland, il s’aperçoit que certains éléments ont été modifiés tout comme des éléments matériels s’y rapportant. Sliv découvre alors qu’il a été sélectionné par Gunnar Eriksson pour intégrer les rangs du CFR (Consortium de Falsification du Réel). Il plonge rapidement dans cet univers secret, sans trop se poser de questions sur la finalité de l’organisation. Il est d’abord fasciné par l’utilisation qu’un individu peut faire de ses capacités intellectuelles et par l’érudition nécessaires pour mettre en place toutes les pièces du puzzle de la falsification. Tout doucement les doutes l’assaillent, mais le désir de réussite s’impose malgré tout dans ce premier volume. Une suite « Les Eclaireurs » est publiée en 2009 beaucoup plus sombre (recension à venir).
http://www.antoinebello.com/les-falsificateurs « L’idée des Falsificateurs a germé dans mon esprit en 1989 au moment de l’affaire des charniers de Timisoara. Le monde entier s’était fait piéger par ces prétendues fosses communes dans lesquelles auraient été enterrées les victimes du dictateur romain Ceaucescu. Ce qui m’a le plus surpris dans cette histoire, c’est que la révélation de la supercherie a fait bien moins de bruit que la supercherie elle-même ! J’ai eu du mal à trouver le ton du livre. J’oscillais perpétuellement entre le prosaïque et l’universel, entre l’essai et le pastiche. Après avoir écrit 200 pages, j’ai rangé mon manuscrit dans un tiroir. Je l’ai repris sept ans plus tard. Cette fois, j’ai trouvé le ton immédiatement. On a dit des Falsificateurs que c’était un récit d’anticipation, une réflexion sur le pouvoir des médias. Pour moi, il s’agit avant tout d’un roman initiatique. Sliv, le personnage principal, cherche un sens à sa vie professionnelle. Il a envie de faire le bien, sans trop savoir que ce mot veut dire. Citoyen du monde, à l’aise partout, il est curieux et doté d’un humour à froid qui le rend profondément attachant. »
Mon avis : Beaucoup de cynisme dans ce livre ! On y voit à travers l’émergence d’un espace global les Etats nations disparaître au profits de pouvoirs régionaux nébuleux, soumis à des manipulations politiques et lobbyistes peu regardantes de la vérité. Elles permettent toutes les manipulations. Sait-on toujours d’où viennent les informations qui nous submergent ? Sont-elles vérifiés, manipulées ? on ne sait plus trop ! Vient la réflexion essentielle, crédules que nous sommes : pourquoi croit-on à une histoire ? Grâce à 3 éléments principaux : la crédibilité de la personne ou de l’institution qui nous la raconte ; si elle confirme une opinion que l’on a déjà ; et enfin si c’est une histoire qu’on aime (éventuellement les falsificateurs peuvent la raconter différemment selon les publics auxquels ils s’adressent).
Le premier dossier falsifié de Sliv va reposer sur les travaux d’un ethnologue mort avant d’avoir pu terminer son manuscrit (une aubaine !). Il va mettre en scène une tribu africaine fictive ayant découvert un gisement de diamant exceptionnel qu’elle doit défendre contre la cupidité d’une multinationale Sud-Africaine. Pourquoi le héros va-t-il choisir ce thème : d’abord parce qu’il est animé de bonnes intentions, peut-être est-il en capacité d’ infléchir le cours de l’Histoire ? Réhabiliter le mensonge quand il sert à faire le bien ? Viendra bien sûr le moment pour le héros où les questions : d’où vient le budget du CFR se comptant en millions de dollars ? Quelles sont les finalités ? Qui sont les quelques membres dirigeants ? Avec tous ces éléments ce roman nous entraîne et nous raconte les falsifications commises par le CFR. Dans le désordre et de façon non exhaustive (sinon je vous raconterais tout): la chienne Laïka, annoncée dans un vol Spoutnik 2 = c’était faux. La découverte de l’Amérique par Christophe Colomb c’était faux, des épisodes ayant pour cadre l’OPEP ou la Stasi c’était faux, etc.
Par moments les descriptions des dossiers réalisés au cours des années sont un peu fastidieuses quand on connaît le sujet. Pour ceux qui ne les connaissent pas, en plus d’être un vrai roman de fiction il s’agit d’un documentaire sur de grands sujets contemporains. Dans le moins bon j’ai trouvé le personnage de Lena Thorsen (cherchez la femme !) assez caricatural, mais Maga et Youssef, falsificateurs et amis de Stil, sont bien campés.
Pour résumer : un livre intéressant et qui me fait me demander de combien de manipulations petites ou grandes nous avons été victimes dans la vraie vie…