La femme qui fuit de Anaïs Barbeau-Lavalette

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la femme qui fuitParution : aux éditions Marchand de feuilles en 2015 au Canada et en France, parution en poche au Livre de Poche en avril 2017.la femme qui fuit en poche

Le style, le genre : un roman entre réalité historique, biographie et une touche de fiction, écrit à la première personne par l’auteur qui est dans la vraie vie la petite fille de Suzanne, le personnage principal. Il est constitué d’une multitude de très petits chapitres (une demie page parfois) regroupés en six périodes 1930-1946 / 1946-1952 / 1952-1958 / 1958-1965 / 1965-1974 et 1981-2009.

L’auteur : Anaïs est née en 1979 à Montréal. Elle est réalisatrice : Le Ring, Inch’allah et romancière Je voudrais qu’on m’efface éditions Hurtubise en 2010. Elle publie également des chroniques de voyage en Palestine Embrasser Yasser Arafat en 2011.
En 2012, elle est nommée Artiste pour la Paix. Pour son roman La femme qui fuit elle remporte le Prix des libraires du Québec en 2016.

Les lieux : Ottawa, Montréal, Québec, Londres.

L’histoire : Suzanne Meloche naît en 1926 à Ottawa dans une famille de la classe moyenne, son père Achille est professeur et il boursicote, sa mère femme au foyer aime jouer du piano. Puis la crise rend Achille chômeur et Claudia triste. A la radio Suzanne suit la course du 100 m aux jeux olympiques de Montréal de l’athlète Hilda Strike. Sa décision est prise : elle « ira un jour au Québec, là où les femmes courent vite. »

Quand elle est enfant, son père sème une graine : « tu aimes faire de la route avec Achille parce qu’il te parle. Non il te fait parler. Ce n’est pas tant ce que tu dis qui l’intéresse. Mais comment tu le dis. Aussi te demande-t-il de décrire ce que tu vois. Il te fait recommencer jusqu’à ce que ta phrase brille. »

(Cette expression « jusqu’à ce que ta phrase brille » m’enthousiasme…)

Indépendante, provocatrice, brillante à l’école, à 18 ans elle est inscrite à un concours oratoire en français à Montréal par Edmond Robillard (son directeur de conscience) qui devine son potentiel. « Il sent que tu es promise à un avenir prodigieux, si tu contiens ces élans fauves, qu’il devine déjà en toi. »

C’est le début d’une nouvelle vie, la découverte d’un nouveau monde. Elle s’introduit dans les milieux artistiques avant-gardistes du Québec, dont Claude Gauvreau, Paul-Emile Borduas et Marcel Barbeau sont les représentants : artistes membres du mouvement des Automatistes (courant d’art libertaire). Elle épouse Marcel, aura deux enfants qu’elle abandonnera pour suivre son chemin…

Mon avis :  la construction du roman en chapitres très courts, par touches successives, par fragments, presque des instantanés photographiques colle parfaitement à l’objectif que s’est fixé l’auteur : reconstituer la vie de sa grand-mère. Pour cela Anaïs a engagé une détective privée et a écrit son roman/biographie à partir des éléments collectés. Le bandeau de l’éditeur est explicite : Suzanne est révoltée et révoltante.

Anaïs a vécu son enfance dans la détestation de cette grand-mère indigne qui a blessé sa mère à jamais. Pour la comprendre ou du moins d’expliquer l’inexplicable elle a entrepris un travail magnifique. Elle retrace une existence individuelle mais également l’histoire du Québec et de ses artistes. La chape de plomb religieuse pèse sur la société, la censure s’abat sur les Automatistes. Ils payent chers la signature en 1948 du manifeste Refus global : refus des valeurs traditionnelles et du conservatisme de la société, impossibilité de coexistence entre surréalisme et dogme religieux, abolition des contraintes morales pour privilégier la liberté individuelle. Suzanne ne signera pas ce manifeste mais va le vivre…

J’ai été subjuguée par ce travail littéraire et également révoltée par l’attitude de Suzanne envers ses enfants, à partir de la page 236 j’ai sorti la boîte de mouchoirs. On aime Suzanne comme une héroïne de roman qui représente la liberté, la création (poétesse, écrivain, peintre) mais on la déteste comme personne ayant réellement existé avec toute la souffrance qu’elle a engendrée.

Pour résumer : Des enfants brisés, une vie de création et de souffrances pour un livre néanmoins lumineux et magnifique. La photo de famille me serre le cœur !

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