
Parution : en 2017 dans les éditions Actes Sud, en poche chez Babel en septembre 2019. Traduit du chinois par Gwennaël Gaffric.

Le style, le genre : deuxième volume de la trilogie d’anticipation portant le nom du premier volume Le problème à trois corps. L’auteur est reconnu comme étant un des premiers écrivains chinois ayant adopté le genre « cyberpunk » (association des mots cybernétique et punk) qui est un genre de la science-fiction très apparenté à la dystopie et à la hard science-fiction. Il met souvent en scène un futur proche, avec une société technologiquement avancée (notamment pour les technologies de l’information et la cybernétique).
L’auteur : Liu Cixin est né le 23 juin 1963 à Yangquan dans la province du Shanxi en Chine, il fait des études d’ingénieur avant de trouver un poste dans une centrale électrique à Yangquan (Shanxi). Il écrit des romans depuis les années 80 et a été récompensé à plusieurs reprises. C’est l’écrivain de science-fiction le plus populaire de Chine il a d’ailleurs reçu à neuf reprises le Galaxy Award (prix chinois de la meilleure œuvre d’anticipation). Le premier volume (Le problème à trois corps) de cette trilogie a obtenu le Prix Hugo 2015 (prix littéraire américain créé en 1953 et décerné chaque année aux meilleures œuvres de science-fiction et de fantasy de l’année écoulée).
Les lieux : la Chine, l’Univers.
L’histoire : L’humanité le sait désormais : dans un peu plus de quatre siècles, la flotte trisolarienne envahira le système solaire. La Terre doit impérativement préparer la parade, mais tout progrès dans les sciences fondamentales est entravé par les intellectrons. Grâce à ces derniers, les Trisolariens peuvent espionner toutes les conversations et tous les ordinateurs, en revanche ils sont incapables de lire dans l’âme humaine. Parallèlement aux programmes de défense classiques visant à lever des armées spatiales nationales, le Conseil de défense planétaire imagine donc un nouveau projet : le programme Colmateur. Quatre individus seront chargés d’élaborer chacun de leur côté des stratégies pour contrer l’invasion ennemie, sans en révéler la nature. Ils auront à leur disposition un budget presque illimité et pourront agir comme bon leur semble, sans avoir besoin de se justifier. Livrés à eux-mêmes, ils devront penser seuls, et brouiller les pistes. Trois des hommes désignés sont des personnalités politiques de premier plan ou des scientifiques éminents, mais le quatrième est un parfait anonyme. Astronome et professeur de sociologie sans envergure, le Chinois Luo Ji ignore totalement la raison pour laquelle on lui confie cette mission. Tout ce qu’il sait, c’est qu’il est désormais l’un des Colmateurs, et que les Trisolariens veulent sa mort.
Mon avis : 732 pages délectables, le deuxième volume est encore meilleur que le premier. Il est toujours fortement marqué par l’astronomie et l’astrophysique : déplacement et vitesse de rotation des corps célestes, position des ceintures d’astéroïdes, caractères des différentes planètes dans et hors du système solaire, mais aussi par la philosophie et la sociologie ou plutôt « la sociocosmologie », avec deux concepts-clef : premièrement la survie est le principal besoin d’une civilisation et deuxièmement chaque civilisation cherche à croître et s’étendre alors que la quantité de matière-espace dans l’univers est limité. Avec un brin d’ironie l’auteur fait apparaitre à un de ses personnages que les Trisolariens sont incapables de dissimulation et de tromperie, c’est leur point faible… Se déroulant sur 210 ans ce volume est aussi une forme d’hommage au traité célèbre de Sun Tzu sur l’art de la guerre quand les Colmateurs tentent de mettre au point une riposte au déferlement attendu de l’armée trisolarienne quatre siècles plus tard.
Les personnages sont toujours aussi bien campés, grâce à l’artifice de l’hibernation nous retrouvons plusieurs d’entre eux. Zhang Beihai est un commissaire politique dans la Marine chinoise. Il lutte contre le défaitisme et contre l’évasionnisme, tentative de certains d’échapper à l’arrivée des Trisolariens en fuyant la Terre avec des vaisseaux interstellaires. Il va occuper une place centrale avec Luo Ji, astronome, sociologue et quatrième Colmateur, flanqué de Shi Qiang, chef de la sécurité du programme Colmateur.
Ce roman est tellement riche qu’il est difficile de le résumer et… je ne veux pas en dire trop. Juste une petite explication du titre, lié au paradoxe de Fermi (Enrico Fermi : physicien italien naturalisé américain né en 1901 ayant travaillé sur la physique nucléaire, bombe à hydrogène, etc.) : Comme les chasseurs dans une « forêt sombre », une civilisation extraterrestre ne peut jamais être certaine des véritables intentions d’une autre civilisation extraterrestre. Les distances extrêmes entre les étoiles créent une « chaîne de suspicion » insurmontable, où deux civilisations ne peuvent pas communiquer pour dissiper la méfiance, la première civilisation qui détectera une autre sera conduite à la détruire préventivement pour éviter le risque inverse. Cette volonté des civilisations extraterrestres de rester cachée explique le Paradoxe de Fermi. Pour en savoir plus référez vous à cet article de Futura Sciences.
Pour résumer : pourquoi autant de plaisir à lire les grandes œuvres (et seulement celles-là) de ce genre littéraire ? Sans doute parce que chacun aimerait trouver des réponses sur le comment, le pourquoi et le qui d’autre qui hantent l’espèce humaine.
Délectable, un mot que j’aime aussi. 😀
J’ai pensé à toi en écrivant ce mot😉