L’œuvre au noir de Marguerite YOURCENAR

Parution : en 1968 dans les éditions Gallimard, en format poche en 1976 chez Folio, en 1991 pour la présente édition (avec les carnets de notes de l’auteur et la note introductive).

Broché : 340 pages – 27 € (épuisé mais très facilement trouvable en occasion) Poche : 514 pages – 9.90 €

Le style, le genre : roman historique construit en trois phases : la vie errante, la vie immobile et la prison. Il est classé à la 26e place des 100 meilleurs livres du XXe siècle (classement français établi en 1999 par une consultation populaire, à partir d’une liste proposée par des journalistes du Monde et des libraires de la Fnac). Le prix Femina lui est décerné en 1968,  par un vote à l’unanimité du jury,  chose extrêmement rare.

L’auteure : Née à Bruxelles le 8 juin 1903, Marguerite de Crayencour voyage en Suisse et en Italie avant de se fixer aux États-Unis en 1958. Grand Prix national des Lettres en 1974, elle fut la première femme élue à l’Académie française en 1980. Elle est décédée le 17 décembre 1987 dans l’île des Monts-Déserts. Cette présentation étant succincte, vous pourrez trouver sur le site de Gallimard une biographie complète ici.

Les lieux : Flandre (Belgique et Hollande d’aujourd’hui), Pologne, Suède, France, Allemagne.

L’histoire : Flandre, début du 16ème siècle. Les conflits éclatent et s’enveniment avec les polémiques religieuses. C’est dans cet environnement chaotique et sulfureux que Zénon, enfant naturel d’un prélat de haut rang, voit le jour. Il est le fils d’Alberico de Numi, de souche florentine et de Hilzonde, issue de famille bourgeoise et dont le frère, Henri-Juste Ligre est connu pour sa grande fortune à Bruges. Malgré son statut à la naissance, Zénon jouit d’une vie paisible et confortable au sein de la luxueuse maison familiale des Ligre. Henri-Maximilien, l’enfant légitime lui aussi habite les lieux. Les deux garçons cependant, bien qu’élevés dans le même environnement, ont des centres d’intérêt très différents. Henri-Maximilien prend les armes et s’enrôle dans les armées royales, tantôt au service du monarque d’Espagne, tantôt à celui de France. Quant à Zénon il entreprend des études approfondies de théologie et poursuit une quête spirituelle et scientifique en parcourant le monde. Considéré comme hérétique, il fuit, nous le suivons jusqu’à son retour à Bruges.

Mon avis : le titre fait référence à l’alchimie, l’œuvre au noir c’est la phase première de la transmutation, la plus périlleuse, celle qui doit mener un jour à la réalisation du Grand Œuvre. Titre choisi sans doute pour faire référence à la complexité politique et surtout religieuse du 16e siècle. Je vous ferai grâce d’une analyse savante et souvent obscure en vigueur dans la sphère universitaire, j’ai lu quelques lignes qui pourraient rebuter certains lecteurs de se saisir de cette œuvre passionnante. Et pourtant ce serait bien dommage car je veux vous faire part de l’immense plaisir que j’ai eu à déguster ce moment de littérature intense s’incarnant dans les mots choisis avec soin (le dictionnaire a fonctionné…), la tournure lexicale des phrases et l’immense culture de Marguerite qui apparait à toutes les pages. A de nombreuses reprises je me suis dit que la plupart des livres que je lis sont finalement pauvres littérairement, au sens classique du terme, même s’ils sont riches dans leur trame romanesque. Cela fait réfléchir sur l’évolution (exigence en baisse ?) de l’utilisation de la langue française.

C’est un roman à triple voire quadruple entrée, la trame romanesque, le développement des sujets religieux, politiques et intellectuels de l’époque. Nous suivons Zénon dans ce siècle chahuté par la Réforme de Luther et Calvin et par la Renaissance qui, contrairement à l’image d’Epinal, n’est pas que beaux châteaux. Cette période est certes un mouvement culturel mais aussi et surtout un mouvement social et de pensée qui bouleverse l’ordre établi. Vous imaginez donc la richesse de ce livre qui concentre toutes ces thématiques, orchestrée par « la » Yourcenar. Elle avait fait fort avec Les Mémoires d’Hadrien, que je vous recommande également, le lien se fait tout naturellement, avec ces deux livres, entre Antiquité et Renaissance…

Pour résumer : lecture exigeante mais qui ne doit rebuter personne, cela fait du bien de lire de temps en temps un bijou.

5 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Avatar de lorenztradfin lorenztradfin dit :

    Toutafé d’acc pour les entrées multiples – et avec l’avertissement que c’est une œuvre exigeante. Merci !

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  2. Avatar de Sacha Sacha dit :

    Tu as raison : il faut parfois se frotter à un texte plus exigeant littérairement parlant. Les mots n’en ont que plus de saveur !

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  3. Avatar de LAURENCE LAURENCE dit :

    Un livre à lire à faire relire. A faire lire à des jeunes adultes pour que ce livre reste l’un des meilleurs et des plus lus du monde.

    Merci

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    1. Avatar de anniemots anniemots dit :

      je valide !

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