Parution : en 1926 aux éditions J. Snell & Co pour la première traduction française, en février 2017 pour la présente édition chez La dernière goutte (éditions strasbourgeoises).
Traduit de l’allemand par Nathalie Eberhardt et agrémenté de quatre bois gravés de Robert Antral.
Le style, le genre : petit livre de 62 pages représentatif de la littérature pacifiste du début du XXe siècle, c’est un classique du genre.
L’auteur : Andor (Andreas en français) est né à Budapest le 1er septembre 1876 et mort en exil le 11 septembre 1943 à Amsterdam (Il est d’expression allemande). Journaliste, il sera volontaire pendant un an dans l’armée austro-hongroise, puis réserviste, il sert pendant la Première Guerre mondiale sur un autre front moins connu des Français, le front de l’Isonzo (batailles à partir de 1915 tirées du nom d’un fleuve aujourd’hui situé entre Slovénie et Italie). Blessé et atteint de malaria il commence à rédiger son œuvre en convalescence à Davos (Suisse) fin 1916. A l’arrivée au pouvoir d’Hitler ses livres seront brûlés dans l’autodafé du 10 mai 1933.
Les lieux : l’Überackerhof (Anif – Autriche) et un village de Ligurie, Gênes (Italie),
L’histoire : La Grande Guerre est finie. Le tisserand Cesare Pasquali rentre chez lui en Italie après avoir été fait prisonnier en Autriche. Amputé de deux doigts, il ne peut plus exercer son métier et se retrouve plus misérable dans son village de Ligurie que lors de sa captivité sur le sol de l’ennemi où son départ fut pleuré par ceux qui étaient supposés le haïr mais qui lui firent une place parmi eux. Poussé par la nostalgie de cet accueil, il décide de regagner la frontière. Mais le sort ne tarde pas à placer sur sa route un homme très particulier qui va devenir pour lui beaucoup plus qu’un frère… (texte éditeur)
Mon avis : roman dans la grande tradition des écrivains pacifistes du premier tiers du 20e siècle tels Romain Rolland ou Stefan Zweig. Voici ce qu’en disait Henri Barbusse le 16 septembre 1926 dans L’Humanité : « Le grand écrivain qui, mieux que tout autre, a vomi la guerre, nous a montré ici, par une péripétie saisissante, cette grande loi : les sentiments sont choses flottantes et susceptibles de prendre toutes les directions des vents terrestres ; la meilleure volonté, la plus touchante sincérité, peuvent tourner mal si elles ne sont pas réglées par une vue juste. Comprendre d’abord, aimer ensuite. Les opprimés marcheront délibérément dans leur voie historique lorsqu’ils auront donné corps à ce commandement qu’on a toujours tenté soit par sottise, soit par calcul, de brouiller à leurs yeux. »
En 1927, quand les nationalismes refont surface et que le patriotisme exacerbé débouche sur la négation des valeurs humaines et fraternelles Andor est terrifié. La fierté nationale excite le désir d’affrontement et cultive un instinct mortifère, dans ce court roman il en dénonce les ravages et veut alerter le monde. Les évènements qu’il a vécus le poussent à mettre en avant ses idéaux humanistes et universalistes qui seuls rassemblent les hommes.
Hommes en guerre (Menschen im Krieg) est son ouvrage phare, avec une préface de Romain Rolland, publié pour la première fois en Suisse anonymement en 1917 en plein conflit et de ce fait interdit dans tous les pays engagés dans la grande guerre car il dénonçait tout ce qu’il y avait vu et subi. A l’époque il est présenté comme « dépassant en horreur et en souffrance » le Feu d’Henri Barbusse. Il est à lire absolument (nouvelle édition et traduction aux éditions Agone).
Pour résumer : un livre à placer obligatoirement dans sa bibliothèque, pour que les derniers témoins de cette grande boucherie nationaliste qui se sont tous éteints ne soient pas morts pour rien. Quelle que soit l’opinion que chacun possède sur le bien-fondé du pacifisme !
Merci!