
Parution : en 2008 aux éditions Actes Sud, en 2013 pour la présente édition de poche J’ai Lu

Le style, le genre : roman français, roman fantastique et surtout drame familial vu par les yeux de Pippo.
L’auteur : Laurent est né le 6 juillet 1972 à Paris. Il fait des études de Lettres Modernes et d’Etudes Théâtrales à Paris. C’est à l’âge de 25 ans, en 1997, qu’il publie sa première pièce, Onysos le furieux. En 2001, âgé de 29 ans, il publie son premier roman, Cris.
Laurent Gaudé a reçu en 2002 le prix Goncourt des lycéens et le prix des libraires pour La Mort du roi Tsongor, puis le prix Goncourt en 2004 pour son roman Le Soleil des Scorta. Il fait partie des auteurs français contemporains les plus lus dans le monde.
Les lieux : Naples, Sicile.
L’histoire : Au lendemain d’une fusillade à Naples, Matteo voit s’effondrer toute raison d’être. Son petit garçon est mort. Sa femme, Giuliana, disparaît. Lui-même s’enfonce dans la solitude et, nuit après nuit, à bord de son taxi vide, parcourt sans raison les rues de la ville.
Mais, un soir, il laisse monter en voiture une cliente étrange qui, pour paiement de sa course, lui offre à boire dans un minuscule café. Matteo y fera la connaissance du patron, Garibaldo, de l’impénitent curé don Mazerotti, et surtout du professeur Provolone, personnage haut en couleur, aussi érudit que sulfureux, qui tient d’étranges discours sur la réalité des Enfers. Et qui prétend qu’on peut y descendre?
Ceux qui meurent emmènent dans l’Au-Delà un peu de notre vie, et nous désespérons de la recouvrer, tant pour eux-mêmes que pour apaiser notre douleur. C’est dans la conscience de tous les deuils ? les siens, les nôtres ? que Laurent Gaudé oppose à la mort un des mythes les plus forts de l’histoire de l’humanité.
Mon avis : Laurent Gaudé confie dans une note à la fin du livre qu’il a écrit ce livre en pensant à ses morts. On le croit volontiers car le texte est porté par une puissance assez exceptionnelle, bouleversant aussi et intrigant.
Si le récit commence avec la banalité, si je puis dire, du folklore napolitain c’est-à-dire un règlement de compte avec arme à feu qui touche et tue Pippo 6 ans, le fils de Mattéo, la suite évolue au rythme des suppliques de Giulana, la mère, « Rends-moi mon fils, Matteo. Rends-le-moi, ou, si tu ne peux pas, donne-moi au moins celui qui l’a tué. »
Ayant échoué à tuer le meurtrier, Matteo fait la connaissance de Provolone, un professeur à tout le moins étonnant, dans des circonstances très spéciales… La suite est étrange, effrayante, et sans en dire trop je dirais qu’en fermant le livre je me serais bien passée des pages sur les Enfers, même si elles sont au niveau de la douleur des parents.
Il y a comme d’habitude chez Gaudé une écriture magnifique, des sujets très forts qui nous emportent aux quatre coins de monde, c’est stupéfiant. Ici même si la mort est au cœur il nous alerte sur la passion, souvent bien faible, qui manque à nos vies.
« – Alors vous aussi vous pensez que nous sommes plus morts que vivants ?
Garibaldo avait posé sa question au curé entre deux bouchées. Il regardait le vieillard avec une curiosité d’enfant.
– Après quarante ans de confession, j’en suis certain, répondit le vieil homme avec un air malicieux. Vous n’imaginez pas le nombre de paroissiens que j’ai pu écouter et pour qui, au fond, la vie n’est plus rien. Ils ne s’en rendent plus compte, mais tout ce dont ils parlent, c’est une triste succession de petites craintes et d’habitudes. Plus rien ne bouge en eux. Plus rien qui bouillonne ou remue. Les jours se succèdent les uns aux autres. Il n’y a plus aucune vie dans tout cela. Des ombres. Rien que des ombres. Pendant quarante ans, je les ai vues défiler sur le banc de mon confessionnal. La plupart n’avaient plus grand-chose à dire. Ils se sentaient voûtés par un ennui pesant mais n’avaient rien à raconter. Ni désir violent, ni crime, ni bouillonnement intérieur. Juste quelques sales petites turpitudes. Heureusement que le corps vieillit ! »
Pour résumer : pensez à vos morts, Matteo et Pipo nous disent que c’est cela qui les soulage des affres de l’enfer… Encore un roman de Laurent Gaudé à lire absolument.
Terrible ce « Heureusement que le corps vieillit ! »…..
Oui… des passages de ce roman sont terrifiants mais sensationnels…