Parution : en mars 2020 (pas de chance…) dans les éditions Grasset. A ce jour pas encore en poche, à surveiller.
Le style, le genre : roman français alternant dans de courts chapitres l’histoire d’Aimée Castain et celle d’un couple de Parisiens à la recherche d’une maison en Provence.
L’auteure : Élisabeth est née le 3 octobre 1960 à Paris d’un père français et d’une mère russe. A Paris puis à Amsterdam et de retour à Paris elle est grand reporter pour plusieurs magazines. Elle est l’auteure de récits de voyages situés en Inde, en Russie à travers la figure de Lou Andreas-Salomé. Son premier roman parait aux éditions Gallimard en 1986 – Corps de jeune fille -, elle a reçu pour ce livre le prix Contrepoint. Explorant plusieurs genres littéraires, elle alterne les romans (dont Exaucez-nous! distingué par le Prix Charles Oulmont de la fondation de France 2000 et À ses pieds couronné du prix François-Victor-Noury décerné en 2006 par l’Académie Française), les biographies, les essais et les récits de voyages. En 2020, excusez du peu, elle reçoit le Grand prix de littérature Henri-Gal (un grand prix de l’Institut de France sur proposition de l’Académie française décerné depuis 2001) pour l’ensemble de son œuvre.
Les lieux : Haute-Provence et Paris.
L’histoire : « Peins ma fille, peins… Le jour commençait à baisser quand elle s’était enfin arrachée d’une ancienne fièvre. Une grande toile en était sortie, comme elle n’en peindrait jamais plus, avait-elle aussitôt compris. Une simple bâtisse dans l’herbe rase d’un vert cru, une bergerie, peut-être, tombée du ciel comme un météore… » Ainsi peint Aimée Castain, bergère de Haute-Provence. La montagne est dans le paysage. La mer nappe l’horizon, invisible, brumeuse, à soixante kilomètres. Et partout, la tendre sauvagerie des collines, les oliviers, les bories, la tentation de la couleur. Saisir sur la toile la beauté du monde. Son mari Paul ne comprend pas bien cette passion nouvelle, mais Aimée s’y donne, entièrement, tout en surveillant son troupeau. Peu à peu, son talent franchit la vallée, les amateurs achètent ses toiles, les journalistes écrivent sur le prodige. Une candeur de touche, un talent singulier, comme offert, par l’insaisissable : l’école du ciel, peut-être…
La narratrice et son compagnon, Daniel, avocat, cherchent comment fuir Paris et Marseille, la vie épuisante, éclatée. Dans un village de Haute-Provence, une maison leur apparaît, comme offerte elle aussi, par l’invisible. Elle sera leur point d’ancrage. Chaque matin est une promesse nouvelle. Puis Daniel s’enflamme pour l’œuvre d’une artiste oubliée, une fille de métayers, née pendant la Grande Guerre, une simple bergère. La maison qu’ils viennent d’acheter fut la sienne. Un talent magnifique et méconnu aurait-il vécu entre ces murs?
Elisabeth Barillé nous entraîne à la rencontre d’Aimée Castain et nous livre le roman de la liberté, avec grâce et un sens unique des images : échapper à son histoire, traverser l’enfance, accomplir son destin.
Mon avis : si vous avez aimé la délicatesse du film Séraphine, retraçant de façon magnifique la vie bouleversante et la frénésie de peinture d’une domestique ayant vécu à Senlis, et si vous avez suivi et aimé mon conseil de lecture d’il y a quelques mois (Hélène Gestern – L’odeur de la forêt) autour d’une femme photographe, vous serez séduits par ce livre délicat et très bien écrit autour d’une bergère – l’artiste peintre Aimée Castain. Sa peinture, comme celle de Camille Bombois ou Henri Rousseau, est qualifiée de naïve, je préfère comme Wilhelm Uhde la nommer primitive.
La construction du roman m’a empêché de poser ce livre tellement j’étais avide de suivre à la fois la quête d’authenticité de ce couple de Parisiens à la recherche d’une maison en haute-Provence et l’itinéraire d’Aimée.
Chaque couple doit trouver son propre agent de résistance à l’usure des gestes et du cœur. À chaque couple , il faut un ciment. L’enfant reste l’évidence tentatrice, l’option majoritaire, le non-choix qui s’impose, aussi irrésistible, aussi puissant que les saisons lorsqu’elles se succèdent. Mais d’autres couples s’entendent sur des ciments tout aussi valables pour eux, le ciment de la course au pouvoir, le fragile ciment de la course au plaisir, le mystérieux ciment du sexe. Nous comprîmes sans peine que notre ciment ne serait pas l’enfant – Daniel avait deux filles et moi aucune envie d’en produire une troisième -, ni le pouvoir- nous n’en avions aucun appétit -, ni le sexe, malgré nos emboîtements lubrifiés et joyeux. Notre ciment, et nous le sûmes très vite, serait tout simplement celui où vont se lover les pierres. Avoir une maison à nous deux, et s’y fixer ».
Élisabeth fait s’entrecroiser les deux récits, l’effet est d’autant plus saisissant que le contraste socio-culturel est frappant : des parisiens aisés parachutés en Provence avec tous les ingrédients allergisants imaginables auprès des autochtones et cette enfant fille des paysages provençaux, aimant profondément ses bêtes mais soumise aux dures lois de la vie paysanne.
Pour résumer : lecture délicieuse que je conseille fortement. Merci à un ou une blogueur-se de la communauté WordPress d’avoir conseillé ce livre il y a plusieurs mois. Je ne me rappelle plus de qui il s’agit, il -elle- se reconnaîtra.