Parution : en janvier 2023 chez Buchet-Chastel, en poche en août 2024 au Livre de Poche.

Broché : 128 pages – 16.50 €   Poche : 120 pages – 7.40 €

Le style, le genre : roman contemporain centré sur les vies vécues à la campagne, théâtre de toutes les expériences. Une partie se déroule les samedi 10 et dimanche 11 juin 1967, une autre le dimanche 19 mai 1974, et la toute fin le jeudi 28 octobre 2021.

L’auteure : Marie-Hélène est née en 1962 à Aurillac dans le Cantal, elle est issue d’une famille de paysans. Elle part pour Paris pour suivre des études littéraires, elle sera agrégée de grammaire dans les années 80 et professeur de lettres classiques, latin et grec. Son premier roman Le soir du chien obtient le Prix Renaudot des lycéens en 2001. Gordana était une nouvelle avant de devenir un des personnages de Nos vies, tout comme Joseph le sera aussi dans un roman de 2014 que j’ai beaucoup aimé. Un recueil de nouvelles intitulé Histoires a obtenu le prix Goncourt de la nouvelle en 2016. En 2020 elle a reçu le Prix Renaudot pour Histoire du fils. Un nouveau roman/essai Cézanne va paraitre le 2 avril 2025. A vos librairies !

Les lieux : dans la région d’origine de l’auteure, le Cantal, dans la vallée de la Santoire.

L’histoire : La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l’érable, mais elle n’entre pas dans la maison. Elle n’y entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l’après-midi avait été battue de vent froid et mouillé comme c’est parfois le cas aux approches de la Toussaint, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu’elle a de la chance avec la lumière d’octobre, la cour de la maison, l’érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu’à elle dans l’air chaud et bleu. Années 1960. Isabelle, Claire et Gilles vivent dans la vallée de la Santoire, avec la mère et le père. La ferme est isolée.

Mon avis : définitivement je considère Marie-Hélène Lafon comme une de nos plus grandes écrivaines. C’est un petit livre, seulement 120 pages, une histoire somme toute banale, oui ! mais écrite par Marie-Hélène cela devient un petit bijou. Sensibilité de l’écriture, lucidité sur la réalité et la destinée de ses personnages, construction intelligente du récit, tout y est. Nous entendons trois voix, une femme, son mari et à la toute fin Claire une des filles du couple. Il y a comme une magie dans ce texte, les mots s’impriment dans le cerveau et se transforment en images, nous y sommes dans cette ferme dont le mari est si fier, où tout doit être fait selon son désir, tous ses désirs. Sont décrits la violence intrafamiliale au quotidien, le basculement sociétal des rapports hommes/femmes et l’isolement.

« Elle pense à sa mère et à ses tantes qui disent toujours que ça passe vite, la vie, le temps, les années de jeunesse où on a les enfants petits avec soi dans les maisons. Elle commence à le comprendre, elle déglutit dans le silence de la sieste, elle appuie son menton sur ses mains et ses coudes sur la toile cirée, de part et d’autre de son assiette, elle déglutit encore. Bientôt huit années depuis son mariage ; elle compte, dans six mois et dix-sept jours, ils se sont mariés le 30 décembre 1959. Elle n’aime pas penser à ça, il ne faut pas. Huit ans de mariage, et quatre ans à la ferme, ici, loin de tout, au bout du monde. Elle voudrait se lever, sortir, aller ramasser la lessive, faire ce qu’il faut, prendre un peu d’avance avant la grande toilette des enfants, la toilette du samedi qui est plus longue quand on descend le lendemain chez les grands-parents, chez elle et chez lui, il faut que les trois soient impeccables, toujours. Son corps pèse. Elle attend. »

Pour résumer : à offrir, à s’offrir sans modération.