Parution : en août 2009 dans les éditions Albin Michel, en format poche en août 2011 dans les éditions Le Livre de Poche.
Broché : 768 pages – 25.90 € Poche : 736 pages – 10.40 €
Le style, le genre : roman historique (20e siècle) d’une génération (les boomers), roman familial.
L’auteur : Jean-Michel est né en 1950, à Alger. Il devient avocat puis écrit des scénarios pour la télévision. Il publie un premier roman en 1986, Pour cent millions (Prix du roman policier francophone de la ville du Mans) aux éditions Liana Lévi, il est dans ma bibliothèque mais je n’en ai plus aucun souvenir… Il se consacre en 2002 à l’écriture du Club des Incorrigibles Optimistes, roman phénomène pour lequel il reçoit le Goncourt des Lycéens en 2009 ainsi que le Prix des lecteurs du Livre de Poche 2012. On lui doit également : La Vie rêvée d’Ernesto G. (2012), Dernière donne (2014), Trompe-la-mort (2015) La Valse des arbres et du ciel (2016) et De l’influence de David Bowie sur la destinée des jeunes filles (2017), dans Les Terres promises (2021) on retrouve les personnages du Club des Incorrigibles optimistes. A Dieu vat (2023).
Les lieux : en France, en URSS.
L’histoire : Michel Marini avait douze ans en 1959. C’était l’époque du rock’n’roll et de la guerre d’Algérie. Lui, il était photographe amateur, lecteur compulsif et joueur de baby-foot au Balto de Denfert-Rochereau. Dans l’arrière-salle du bistrot, il a rencontré Igor, Léonid, Sacha, Imré et les autres. Ces hommes avaient passé le Rideau de Fer pour sauver leur peau. Ils avaient abandonné leurs amours, leur famille, trahi leurs idéaux, et tout ce qu’ils étaient. Ils s’étaient retrouvés à Paris dans ce club d’échecs d’arrière-salle que fréquentaient aussi Kessel et Sartre. Et ils étaient liés par un terrible secret que Michel finirait par découvrir. Cette rencontre bouleversa définitivement la vie du jeune garçon. Parce qu’ils étaient tous d’incorrigibles optimistes. Portrait de génération, reconstitution minutieuse d’une époque, chronique douce-amère d’une adolescence
Mon avis : c’est un roman fleuve réjouissant, sérieux et drôle à la fois, qui met en scène, comme dans son dernier livre À Dieu vat, la deuxième partie du XXe siècle. C’est un roman à double voire triple entrée : les défis sociétaux en France dans les années 60, les luttes politiques à l’Est avec son lot de réfugiés qui exportent leurs conflits à Paris – nous sommes en pleine guerre froide- et au sud avec la guerre d’Algérie ; puis la partie plus intime où nous voyons le jeune Michel grandir avec les préoccupations et les interrogations de son âge.
J’ai beaucoup aimé ce bouquin, j’étais prête à lire 500 pages de plus, même si il y a ici ou là quelques longueurs. Pour ce « vrai » premier roman à presque 60 ans Jean-Michel a réalisé un coup de maître. Il décrit avec brio les démêlés entre les deux familles de Michel, celle de son père d’origine italienne assez farfelue et celle de sa mère bourgeoise qui n’a jamais accepté la mésalliance.
Les échecs (le jeu), la photo et la vie intellectuelle parisienne sont également des thèmes importants tout au long du livre. J’ai trouvé très malin la présence de Sartre et de Kessel dans ce club très hétéroclite. Un club qui réunit et oppose à la fois toute une ribambelle de réfugiés d’Europe de l’Est. Les discussions sont âpres et animées, tout ramène à la politique.
« À ceux qui n’avaient pas d’argent, Vladimir donnait ce qu’il ramenait. (…)
– Tu sais pourquoi il faut cueillir les cèpes quand ils sont petits ? demande Leonid, qui avait pris un os de Bayonne sur lequel il restait une montagne de jambon.
On chercha la réponse pendant cinq minutes.
– Ils ont plus de goût ?
– Ils se cuisinent mieux ?
– Il n’y en pas beaucoup ?
– Vous n’avez pas dû aller souvent en forêt, conclut Leonid. Si tu attends, il y en a un qui les cueille avant toi. Dans la vie, c’est le premier qui passe qui se sert.
– Et la démocratie ? protesta Tomasz.
– Tu confonds avec l’égalité. La démocratie est un système injuste. On demande leur avis à des imbéciles de ton espèce. Sois content de ce qu’on t’a laissé. Il pourrait ne plus rien y avoir. Et dis merci à Vladimir.
Imré arriva le dernier. Il restait six œufs. Vladimir les lui donna.
– Je me ferai une omelette avec des haricots blancs. Ça doit être bon, non ?
– En Hongrie, c’est possible, fit Vladimir. »
Dans ce cadre c’est Michel qui donne le tempo à ce roman, infatigable lecteur il lit en marchant dans la rue, arrivant en retard au lycée, et en cours parce qu’il s’ennuie.
« J’ai fini par classer les écrivains en deux catégories : ceux qui vous laissaient arriver à temps et ceux qui vous mettaient en retard. Les auteurs russes m’ont valu une ribambelle de colles. Quand il commençait à pleuvoir, je me rangeais sous un porche pour poursuivre tranquille. La période Tolstoï a été un mois noir. La bataille de Borodino a entraîné trois heures de colle. Quand, quelques jours plus tard, j’ai expliqué à l’appariteur, un pion thésard, que mon retard était dû au suicide d’Anna Karénine, il a cru que je me foutais de lui. J’ai aggravé mon cas en avouant que je n’avais pas compris pour quel motif elle se suicidait. J’avais été obligé de revenir en arrière par peur d’en avoir manqué la raison. Il m’a collé pour deux jeudis : un pour ce énième retard, l’autre parce que c’était une emmerdeuse qui ne méritait pas autant d’attention. Je ne lui en ai pas voulu. Ça m’a permis de venir à bout d’Emma Bovary. »
Pour résumer : beaucoup ont déjà lu ce livre pas tout récent (bestseller), mais il y en a encore qui auront la grande chance de le découvrir, j’en suis la preuve vivante…
