Parution : Gallimard – collection Blanche – mars 2014
Le genre / le style : roman français – roman historique – écriture classique, précise et belle.
L’auteur : Jean-Christophe est l’auteur d’excellents romans comme L’Abyssin, Sauvez Ispahan, Rouge Brésil (prix Goncourt 2001), … Il a écrit également des essais sur ses expériences de médecin humanitaire (Le Piège humanitaire, La Dictature libérale, L’Aventure humanitaire, …) et en 2013 un ouvrage plus personnel « Immortelle randonnée ».
Les lieux : une sous-préfecture du bas-Berry non nommée (département de l’Indre), peut-être Issoudun… mais peu importe !
L’histoire : Nous sommes à l’été 1919, dans une petite ville du Berry. La chaleur assomme la ville tout entière, un chien hurle devant les portes de l’ancienne caserne, transformée en prison pendant la guerre. Dedans, un seul prisonnier, Jacques Morlac, paysan érudit et héros de la Grande Guerre. Il est sous la garde de l’unique geôlier de la ville, l’adjudant Raymond Dujeux qui est exaspéré par les aboiements incessants du chien. Arrive en ville un officier, un aristocrate du nom de Lantier du Grez, chargé de juger l’affaire qui a conduit Morlac en prison. Quelques jours pour essayer de comprendre ce qui s’est passé dans la tête du prisonnier, de l’affaire on n’en sait pas plus, on la découvrira au rythme de l’enquête.
Au fil des entretiens, les interrogatoires se muent en conversations, où Morlac fait le récit de cette abominable guerre, de la Champagne à Salonique dans l’armée d’Orient, du front à la fraternisation dans les tranchées au son de l’Internationale et Guillaume, le chien fidèle (celui qui hurle devant sa prison) toujours dans ses basques…
Leur tête à tête est seulement interrompu par Valentine, une jeune femme qui vit en bordure d’un village voisin, seule avec son petit garçon et dont on dit qu’elle fut la bonne amie de Morlac avant la guerre. Lantier du Grez va la rencontrer…
Mon avis : Ce roman qui part de presque rien m’a émue, il y est question de l’absurdité de la guerre, de la force des convictions, de la complexité des êtres humains (loyauté, courage, sacrifice mais aussi orgueil, inhumanité, trahison). J’ai aimé ce livre car Jean-Christophe parvient à nous raconter en un peu plus de 150 pages ce que fût la première guerre mondiale pour les paysans de la France profonde, sans contribuer à la déifier, contrairement à beaucoup d’auteurs. En cette année 1919 les personnages sont à un tournant : usé par la guerre, le juge veut quitter l’armée et revenir à la vie civile, le cas Morlac est sa dernière affaire. Le soldat Morlac lui s’est livré à un acte qui peut lui valoir le bagne (si on est clément) ou le peloton d’exécution (pour l’exemple). Pourquoi ce paysan devenu soldat, hier héros et aujourd’hui prisonnier, refuse de s’excuser, de se disculper, fait tout ou presque pour être condamné ?
Et le chien Guillaume … pauvre et magnifique bête ! Le sort des animaux dans ce carnage n’est pas plus enviable, 900 000 chevaux « français » morts pendant les 4 ans que dura la guerre (6 millions au total) et des dizaines de milliers de chiens utilisés comme éclaireurs, relais sanitaires ou relais de communication ont connu le même sort, sans parler des pigeons, des singes et autres chats…
Ce livre a pris un relief supplémentaire pour moi car en fin d’année dernière j’avais eu une conversation avec mon père qui me racontait la guerre de 14/18 de son père enrôlé dans l’armée d’Orient. Je m’étais aperçue que cette guerre-là était occultée par les combats sur le sol français, Verdun, Chemin des Dames, etc. Elle n’a pas été beaucoup racontée, Jean-Christophe Rufin l’a fait.
Pour résumer : Jean-Christophe dans la postface de son roman nous dit s’être inspiré d’une histoire vraie, celle que lui a racontée le photographe Benoît Gysembegh lors d’un reportage en 2011 en Jordanie, « c’était une anecdote simple et très courte mais j’ai tout de suite senti qu’elle constituait un de ces petits cristaux de vie rares, à partir desquels il est possible de construire un édifice romanesque ». Ce petit cristal là, il me plait bien.
génial
c’est avec plaisir que j’ai lu ce livre pendant un long trajet en TGV!!
je n’avais pas bcp aimé les 7 nouvelles parues il y a quelques années mais là j’ai été
emportée par cette histoire où tant de choses sont dites très légèrement et où l’absurdité des situations peut inquiéter…
à conseiller vraiment car il se lit très facilement : « ça coule »