Éden de Auður Ava ÓLAFSDÓTTIR

Eden de Audur ava olafsdottirParution : en 2022 en Islande, en septembre 2023 en France dans les éditions Zulma. Traduction de l’islandais par Éric Boury.

Broché : 250 pages – 21.50 €  Poche : à paraitre le 7 novembre 2024 (poche Zulma 10.50 € ).

Le style, le genre : roman très contemporain évoquant avec humanité et humour les paradoxes de nos existences. La narratrice est Alba le personnage principal.

L’auteure : Auður est née en 1958 à Reykjavik en Islande. Après des études d’histoire de l’art à la Sorbonne. elle devient professeur d’histoire de l’art à l’université d’Islande et directrice du musée de l’Université d’Islande. C’est par le roman Rosa Candida que nous la découvrons, écrit en 2007 il n’est édité en France qu’en 2010 par les excellentissimes éditions Zulma. Auparavant il y a eu par exemple Le rouge vif de la rhubarbe puis L’Embellie, en tout huit romans avec celui-ci. En novembre 2019 elle reçoit le Prix Médicis Étranger pour Miss Islande.audur ava olafsdottir

Les lieux : Reykjavik, et dans une lande islandaise « peuplée de rochers, de lave et de sable ».

L’histoire : Alba voyage aux quatre coins du monde pour des colloques sur les langues en voie d’extinction. De retour à Reykjavík, elle fait le compte : pour compenser son empreinte carbone, il lui faudrait planter 5 600 arbres. Ni une ni deux, elle repère un terrain de roche, de lave et de sable avec une petite maison. Rien n’est censé pousser là mais Alba y projette déjà une colonie de bouleaux. Peu à peu, elle tente d’apprivoiser son jardin d’Éden. Elle s’équipe au rayon bricolage de la boulangerie, prête l’oreille à son voisin qui lutte contre un projet d’usine à glaçons, et s’attache à un jeune réfugié prêt à absorber tout le dictionnaire…

Mon avis : ce livre est d’une richesse absolue (comme d’habitude) mêlant savoir universitaire, découverte du travail ancestral de la terre et de l’élevage et gestes d’humanité. Elle parsème son texte de réflexions sur la langue islandaise et sur l’ensemble des idiomes. Je saisis au fil de ma lecture que la langue sculpte les peuples. Elle m’apprend qu’il n’y a pas que les oiseaux et les plantes qui disparaissent chaque jour mais aussi les langues. Une d’entre elles disparaît toutes les semaines, et « si on continue ainsi on est en droit de redouter que 90 % des langues auront disparu d’ici à la fin du siècle. » La menace, quand les locuteurs sont issus des langues minoritaires, c’est l’usage systématique et automatique de la traduction en anglais des interventions et des textes. Je pense que chacun en est conscient quand il se rend en Europe du Nord, beaucoup d’habitants parlent systématiquement en anglais, ce qui devrait nous réjouir nous Français de notre soi-disant mauvais niveau en anglais, notre langue n’est pas (encore) en danger de mort.

J’apprends aussi les curiosités de l’islandais, par exemple des mots comme poireau ou ail n’existent que depuis peu de temps ou bien encore qu’un seul mot désignait les pommiers et les autres arbres fruitiers : Apaldur. Vous l’aurez compris la langue islandaise est une des héroïnes de ce livre.

Mais pas seulement, il y a aussi la nature et le vent qui occupent une grande place (le vent y a droit ! c’est le troisième pays le plus venteux de la planète) : plus d’une centaines de mots existent pour le désigner en fonction de sa direction, de son degré d’humidité, du froid ou de la douceur qui l’apporte. Cela m’a rappelé le roman danois Smilla ou l’amour de la neige ou là c’est le terme neige qui compte des centaines de mots différents.

Alba n’est pas seulement venue pour planter des arbres, et là je ne rentrerai pas dans les détails, mais pour entrer en profonde communion avec la nature. À travers elle se crée une osmose entre ce qu’elle a vécu à Reykjavík et ce qu’offre le brouillard, le froid, le vent. Tout est mêlé et tout se solidarise comme avec ce lien très fort qui se crée avec un jeune réfugié à qui elle donne des cours de langue par l’intermédiaire de la Croix Rouge présente dans le village.

Pour résumer : formidable cet Éden qui n’est pas un endroit forcément paradisiaque, c’est juste un endroit où on est bien, où on se sent chez soi. On y est à la bonne place, avec ses avantages et ses inconvénients. Je conseille de lire ce livre tranquillement pour s’imprégner de l’atmosphère.

2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Avatar de Sacha Sacha dit :

    Un roman pas mièvre qui fait du bien je trouve ! Et tout ce qui concerne les langues et la traduction est passionnant.

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    1. Avatar de anniemots anniemots dit :

      oui le thème est original et pas du tout ennuyeux. Les langues façonnent les peuples.

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