Parution : en 1983 en Ecosse, en 1987 aux éditions Rivages pour la première édition en français. Il est publié en 2015 en poche dans la collection Rivages/Noir.
Traduit de l’anglais par Jan Dusay.
Le style, le genre : roman noir dans les bas-fonds et les quartiers prospères de Glasgow, introspectif et âpre.
Les lieux : Glasgow (Ecosse)
L’auteur : William est né en novembre 1936 en Écosse à Kilmarnock. Son père était mineur et souhaitait pour son fils une éducation de haut niveau dont lui-même n’avait pu bénéficier. William a obtenu ses diplômes de lettres à l’université de Glasgow et en 1960 il commence à enseigner dans un établissement d’une petite ville écossaise, avant de partir en 1970 à l’université de Grenoble pour y enseigner l’anglais pendant quelques années.
Il publie des romans dès 1966 mais c’est en 1975 qu’il se consacre totalement et uniquement à l’écriture après le succès de son roman Docherty, un roman social sur la vie des mineurs… Il est surtout connu en France pour ses romans policiers, moins pour ses nouvelles et sa poésie. La trilogie (finalement devenue une tétralogie), dont Laidlaw est le premier volume, parait entre 1977 et 1991 avec ensuite Les papiers de Tony Veitch (1983), Étranges loyautés (1991) et Big man (1985) qu’il faut lire en dernier.
Il est mort le 5 décembre 2015.
L’histoire : au début des années 80 à Glasgow, Paddy Collins, truand, est poignardé et meurt à l’hôpital Victoria alors qu’il était à la recherche de Tony Veitch. Ce dernier est un étudiant et un écrivain idéaliste, fils de bonne famille, mais il disparaît et beaucoup de monde va le rechercher. En parallèle Eck Adamson (Alexander de son vrai prénom), clochard de son état, est transporté aux urgences de l’hôpital Royal de Glasgow. Eddie Devlin, journaliste du Glasgow Herald, tuyauté par un brancardier de l’hôpital, prévient l’inspecteur Laidlow qu’il demande à le voir avant de mourir. Déjà mourant son indic ne lui dit qu’une phrase « L’vin qu’y m’a donné, c’était pas du vin » et laisse un billet avec deux noms Linsey Farren et Paddy Collins, un mot Le Berceau et un numéro. Le mélange des genres intrigue Laidlow, sont réunis à la fois les beaux quartiers et les bas-fonds.
Au début seul Laidlaw croit en l’assassinat d’Eck dont tout le monde se fiche, ce n’est qu’un clochard, sa sœur le défend également « – C’était pas un mauvais gars, vous l’avez dit, mon garçon. C’était pas un mauvais bougre et la dernière fois que j’l’ai vu, y pleurait sur l’gâchis d’sa vie. Comme un p’tit garçon. Et il avait l’cœur sur la main. A trois ou quatre ans, ma mère l’a trouvé en train d’pleurer d’vant une image du Christ avec plein d’épines dans sa tête. Et il a dit : « Regarde c’qu’ils lui ont fait, ‘man. » (…) Il aurait pu dev’nir quelqu’un. Mais il avait pas d’chance. C’était l’genre d’homme qu’aurait accepté deux tickets gratuits sur le Titanic. »
L’inspecteur comme d’habitude s’entête et veut tisser des liens entre tous ses événements sous les sarcasmes de ses collègues. Il est sûr que Adamson a été victime d’un empoisonnement sur fond de règlement de compte entre truands. Harckness qui commence à connaître son collègue s’accroche à ce supérieur pas toujours facile à suivre, en dépit du travail de sape de Milligan, un autre inspecteur, corrompu et meilleur ennemi de Laidlaw.
« Peut-être bien qu’il perdait les pédales. Ce n’était pas une façon de faire. Le travail d’inspecteur consistait en une délicate symbiose avec le monde du crime, en un subtil équilibre des marques de respect mutuel. On s’attendait à donner peu pour recevoir beaucoup. Le but était de veiller à ne pas rompre la fragile toile sur laquelle se tenaient les deux parties, à déposer continuellement des signes sur les différents fils de cette toile pour comprendre ce qui se passait, éviter de faire des dégâts. »
Mon avis : « les desseins personnels étaient, les guerres mises à part, les choses les plus mortelles du monde. » Ce précepte extrait de la page 310 vaut pour le deuxième volet de la trilogie Laidlaw. Encore une fois un roman prenant et sombre d’aussi bonne facture que le premier, mêlant avec brio les milieux très divers de cette ville, finalement assez petite, de Glasgow. La pègre est scrutée et restituée avec une précision quasi parfaite, on s’y croirait et je me réjouis d’avoir encore un volume à lire à la suite. Laidlaw fait partie de ces inspecteurs de romans quine sont ni lisses, ni fanfarons. « Laidlaw se souvint qu’il ne voulait ni du paradis des saints, ni de l’utopie des idéalistes. Il voulait se colleter avec la vie, tout de suite, tous les jours, aussi bien qu’il pourrait, sans le secours de l’air conditionné des croyances, et après, simplement avoir le droit de s’allonger avec tous les autres qui avaient fait le même choix. C’était ça le plus difficile. »
On prend fait et cause pour lui et quand Milligan semble prêt à triompher, on accueille avec soulagement la revanche de la réflexion.
Ironie du sort j’ai fini ce matin un récit de voyage (dont je vais vous parler bientôt) publié en 1924 et qui décrit Glasgow ainsi : « Et les quelques lignes que voici, sont pour toi, Glasgow, ville sans beauté, ville de bruit et de commerce, ville d’usines et de chantiers navals, port de toutes les marchandises. Que dire de toi ? Est-ce quelque chose de beau que des usines, des docks et des entrepôts, des grues dans un port, des hauts-fourneaux, des troupeaux de gazomètres, des wagons de marchandises roulant avec fracas, de hautes cheminées et des marteaux pilons tonnants, des édifices de poutres et de fer, des balises sur l’eau et des montagnes de charbon ? Moi, misérable pêcheur, je crois et je vois que tout cela est très beau et pittoresque et monumental ; mais la vie qui naît de cela, les rues, les gens, les visages des ateliers et des bureaux, les logements de ces gens, leurs enfants, leur nourriture, leur vie, je veux dire la vie qui vit de ces choses énormes et puissantes, n’est ni belle ni pittoresque ; elle est abandonnée par le souffle divin, âpre et sale et gluante, pleine de fracas, malodorante et oppressée, criarde et pénible, plus pénible que la faim, plus criarde que la misère ; et accablé de la peine de cent mille hommes, j’ai fui Glasgow, car je n’ai pas eu le courage de regarder et de comparer. » (octobre 2017 – Lettres d’Angleterre de Karel Capek éditions La Baconnière.)
Même si les choses ont changé à Glasgow en soixante ans, j’ai retrouvé dans ce passage la vision de la ville de Mcilvanney. Troublant !
Pour résumer : aucune baisse de rythme, je vous conseille encore une fois cette tétralogie consacrée à la ville de Glasgow.