
Parution : en septembre 2019 aux éditions Zulma, il paraitra en poche Zulma dans une petite année, à surveiller. Traduction de l’islandais par Eric Boury.
Le style, le genre : texte écrit à la première personne par l’héroïne du roman, nommée Hekla (qui veut dire volcan en islandais). Roman féministe plein de grâce. Je commence à penser que les écrivaines du Nord ont un petit quelque chose en plus, une sensibilité à la condition des femmes et à l’inexorable loi de la maternité, à la violence des hommes qui les font se dissoudre ou renaitre (Herbjorg Wassmo, Tove Jansson, Line Ullmann, etc.). C’est un livre que les libraires ont conseillé, je vous laisse lire leurs coups de cœur sur le site de Zulma, ça veut tout dire… il y a des livres qui enchantent.
L’auteur : Auður est née en 1958 à Reykjavik en Islande. Après des études d’histoire de l’art à la Sorbonne. elle devient professeur d’histoire de l’art à l’université d’Islande et directrice du Musée de l’université d’Islande. C’est par le roman Rosa Candida que nous la découvrons en France, écrit en 2007 il n’est édité en France qu’en 2010 par les excellentissimes éditions Zulma. Auparavant il y a eu Le rouge vif de la rhubarbe puis L’Embellie, et trois autres. En novembre 2019 elle reçoit le Prix Médicis Étranger pour Miss Islande.
Les lieux : Islande, Danemark.
L’histoire : Islande, 1963. Hekla, vingt et un ans, quitte la ferme de ses parents et prend le car pour Reykjavík. Il est temps d’accomplir son destin : elle sera écrivain. Sauf qu’à la capitale, on la verrait plutôt briguer le titre de Miss Islande.
Avec son prénom de volcan, Hekla bouillonne d’énergie créatrice, entraînant avec elle Ísey, l’amie d’enfance qui s’évade par les mots – ceux qu’on dit et ceux qu’on ne dit pas –, et son cher Jón John, qui rêve de stylisme entre deux campagnes de pêche…
Mon avis : ma découverte de ce début d’année ! Aussitôt le livre fermé j’ai foncé chez mon libraire pour acheter les deux premiers. On suit avec bonheur et inquiétude Hekla qui rejoint la capitale à 19 ans pour devenir écrivaine, elle a déjà publié des poèmes et des nouvelles dans des revues modestes et ne pense qu’à l’écriture.
« Je suis réveillée. Le poète dort. En-dehors des étoiles qui scintillent au firmament, le monde est noir. Une phrase vient à moi puis une autre, une image se dessine, cela fait toute une page , tout un chapitre qui se débat dans ma tête, pataud comme un phoque pris dans un filet. J’essaie d’accrocher mon regard à la lune par la lucarne, je demande aux phrases de s’en aller, je leur demande de rester, il faut que je me lève pour les écrire avant qu’elles s’évanouissent. Le monde sera alors plus vaste et, cette nuit encore, je serai plus grande que je ne suis réellement, je prie Dieu de me venir en aide pour rendre le monde plus petit en me donnant un océan noir, lisse et tiède, en me donnant une jolie nature morte avec un moulin hollandais comme sur le calendrier de la librairie Snaebjörn ou bien de mignons petits chiots comme sur le couvercle de la boîte de chocolats Nói dans laquelle Jón John range ses coupures de journaux, je le désire et, en même temps ,je ne le désire pas, j’ai tellement envie de continuer chaque jour à inventer le monde, je n’ai pas envie de faire bouillir du poisson sur la cuisinière Siemens ni de servir les hommes au restaurant de l’hôtel Borg avec un plateau d’argent en circulant d’un nuage de fumée de cigare à un autre, j’ai envie de passer ma journée à lire quand je ne suis pas en train d’écrire. Blotti sous la couette en duvet de canard, le poète ignore tout du phoque qui se débat dans ma tête, il tend le bras vers moi, je le laisse faire et je cesse de m’accrocher aux mots, demain matin ils auront disparu, j’aurai perdu mes phrases. Chaque nuit j’en perds quatre. »
Bouleversant !
Le titre du roman peut être trompeur car il ne s’agit pas du tout ici de descriptions de concours de beauté. C’est juste un fil rouge pour nous montrer qu’une jeune fille jolie dans les années 60 pour gagner sa vie n’a le choix qu’entre être serveuse et se faire tripoter les fesses par des vieux pathétiques, résister à la vie de reine de beauté qu’un homme siégeant à l’Académie de la beauté de Reykjavík lui propose ou bien encore tout simplement se marier et avoir des enfants.
Deux amis structurent sa vie, le premier Jón John permet à l’auteur de nous conter la difficulté de mener une vie d’homosexuel en Islande dans les années 60 et Ísey son amie de toujours mariée, maman d’une petite fille et enceinte d’une autre. Ces deux personnages sont bouleversants, Jón rêve de devenir couturier mais s’embarque sur les bateaux de pêche, Isey rêve d’écriture (elle le fait en cachette, son mari est à l’image de l’Islande, rude) mais tente d’assumer son rôle de mère et d’épouse. Il y a aussi Starkadur, le poète, mais je vous laisse le découvrir.
Hekla, elle, lutte pour sa liberté, pour son accomplissement, elle ne se voit pas mère de famille, ni miss Islande. Elle nous offre une énergie folle.
Pour résumer : à lire toutes affaires cessantes !
Hah …. j’ai été bouche bée devant le même extrait de la perte des phrases…. en effet un grand livre !
je me suis arrêtée sur ce passage en le relisant au moins 5 fois avant de continuer ma lecture, elle arrive à faire passer quelque chose qui touche au sublime !