Parution : en mai 2021 dans les éditions Les Arènes. En hommage aux vestes colorées d’Angela l’ouvrage apparait sous quatre couvertures de couleurs différentes (le mien est bleu), le contenu est bien sûr le même.
Broché : 324 pages – 21.90€
Le style, le genre : biographie, essai politique remarquablement bien écrit.
L’auteur : Marion Van Renterghem est née à Paris en 1964. Elle fait ses études à l’École Alsacienne où son père était enseignant. Elle fait hypokhâgne et khâgne, puis devient professeure de français avant de travailler aux éditions Christian Bourgois. En 1988 elle collabore au supplément littéraire du Monde « Le Monde des livres » puis devient grand reporter. Elle a remporté de nombreux prix de journalisme, dont le prix Albert-Londres. Elle a très largement complété et réécrit sa première biographie, Angela Merkel, l’ovni politique, parue en 2017. Ce récit est le fruit de plusieurs années d’enquête auprès des amis d’enfance, des compagnons de route et des adversaires de la chancelière allemande : une femme qui a marqué l’Histoire.
Les lieux : l’Allemagne de l’Est, l’Allemagne fédérale, l’Allemagne réunifiée et le reste du monde.
Le thème : Angela Kasner (Merkel) vient de l’Allemagne de l’Est, époque soviétique. Elle sait ce que la liberté veut dire. Scientifique, protestante et divorcée, elle a su s’imposer dans un milieu hostile. C’est une tacticienne machiavélique, qui a épuisé quatre présidents français. En Allemagne, son nom est même devenu un verbe. «Merkeliser », c’est avancer à petits pas, sans éclat, mais arriver au but. Angela Merkel est aussi une femme de valeurs, qui a accueilli des centaines de milliers de réfugiés et qui s’est dressée contre Donald Trump. Ce livre est son histoire, son portrait le plus juste, le plus passionnant.
Mon avis : c’est ainsi que l’auteure commence la biographie d’Angela :
« Ça y est. Angela Merkel s’en va. On ne verra plus surgir sur les écrans ce visage familier aux yeux bleu clair et à la bouche cernée par ses deux rides austères. On ne verra plus sa démarche décidée pour aller saluer un chef d’Etat, ni cette manière bien à elle de pratiquer la poignée de main : sans effusion, en l’accompagnant d’un hochement de tête très bref et d’un sourire de courtoisie qui ne s’attarde pas. On ne verra plus passer sur Twitter ou Instagram les extraits de sa voix monotone, jamais égayée par des effets de manche, par des astuces destinées à séduire ou par de quelconques slogans concoctés par un conseiller en communication dont elle n’a jamais voulu. Les efforts d’affichage n’étaient pas son genre, pas plus que les effusions enthousiastes dont elle considérait le plus souvent, à moins qu’elles n’accompagnent un but marqué par la Mannschaft, qu’elles étaient inutiles, donc incongrues. On ne s’interrogera plus sur la couleur du jour de sa veste, seule variation manifeste d’une humeur résistante à toutes les tempêtes. On ne la verra plus car, j’en suis quasi certaine, quand Angela Merkel quittera la chancellerie, elle quittera la politique officielle pour de bon. »
Pour l’instant Marion Van Renterghem a raison, dommage car je suis prête à penser qu’elle serait très utile dans la configuration géopolitique du moment, elle parle russe (elle aurait aimé être professeure de russe) et connait parfaitement Poutine et les ressorts de l’impérialisme russe. En 2014 voici ce qu’elle disait :
« L’Ukraine : pourquoi agir comme ci ou comme ça ? Je réfléchis. Je choisis une option parce qu’elle est la meilleure possible, même si elle n’est pas parfaite. Les gens me disent : « Oui, mais les sanctions en Ukraine, ça pénalise notre économie ! » je réponds : oui, mais si nous nous montrons trop souples sur nos règles et nos valeurs sous prétexte que cela pourrait nous désavantager, on ne nous prendra plus au sérieux dans des conflits plus importants. Dans les cas de conscience, les valeurs comptent. »
Comme Marion je suis impressionnée par cette femme qu’on ne peut comprendre qu’en regard de son histoire. Elle a le talent oui, l’autorité naturelle oui, mais elle sait aussi saisir ces moments qu’on appelle hasards, profiter des circonstances ou plus prosaïquement « être au bon endroit, au bon moment ». Vous verrez que son entrée en politique juste après la chute du Mur, c’était juste pour aider, elle sait se servir d’un ordinateur… Le Renouveau démocratique (Demokratischer Aufbruch) est créé en octobre 1989, c’est un groupuscule d’opposition très modeste mais composé de beaucoup de protestants dont des pasteurs (pasteur…comme son père), elle s’y plait. Quand il se transforme en parti il faut organiser la communication et Angela excelle. Andreas Apelt (chargé de la communication avec elle) se rappelle : « Angela Merkel maitrisait le chaos de façon incroyable. On admirait son calme dans la tempête. Elle a une façon tranquille de penser rationnellement sans se laisser gagner par les émotions. Ce calme c’est sa plus grande force. »
En 1990 même si le Renouveau Démocratique recueille moins de 1% des suffrages aux premières élections libres en RDA, le premier président élu Lothar de Maizière entend parler d’une inconnue, Angela Merkel. Même chose un peu plus tard avec Helmut Kohl à la CDU qui l’appelait « das Mädchen ». C’est parti !
Pour résumer : Ecrire que j’ai aimé ce livre c’est peu dire, je ne l’ai pas lâché jusqu’à la fin, il y a des destins qui forcent l’admiration, j’en suis ressortie encore plus séduite tout comme l’auteure d’ailleurs qui ne le cache pas…
Tu es conquise ! J’avais hésité à l’acheter. J’ai tendance à être un peu plus mitigé sur le personnage car l’Allemagne, sous sa houlette, a manqué le train de la modernisation, et s’est engagé dans des options stratégiques qui sont aujourd’hui très discutées (arrêt du Nucléaire et « dépendance » au gaz russe). Mais je reconnais également ce qu’elle a pu apporter. Pour l’instant, Scholz se débrouille plutôt bien, il partage avec elles des aspects de style communs.
Je crois en effet que les nordstream 1 et 2 sont un gros raté … c’est là qu’on peut toucher du doigt sa petite survivance à « l’Est »…