Le compagnon de voyage de Gyula KRUDY

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le compagnon de voyage
131 pages – 10 euros –

Parution : en 1918 en Hongrie, en 1991 (Albin Michel)pour la première édition française et repris en avril 2018 aux éditions suisses La Baconnière.
Traduction du hongrois par François Gachot.

Le genre, le style : confidences à un étranger pendant un voyage en train, faites d’impressions, parfois de forfanterie, et d’introspection.

L’auteur : Krúdy est né le 21 octobre 1878 à Nyíregyháza et mort en 1933 à Budapest. Il est né enfant naturel (en hongrois « nomen nescio » ou N.N. (un roman que je vous ai conseillé il y a quelques mois)), d’un père avocat, Gyula Krúdy, et de Julianna Csákányi servante dans une famille paysanne. Néanmoins ses parents ont réussi à vaincre les conservatismes de classe et à se marier… après leur gyula krudyseptième enfant ! Son enfance est heureuse, il fait ses études chez les Jésuites puis chez les Luthériens. Très jeune il se passionne pour le journalisme et l’écriture, il publie beaucoup de nouvelles et de très nombreux romans et bénéficie d’une réputation de séducteur et de joueur invétéré. Il fut le romancier favori de Sándor Márai. « Sur l’aloès, poussent des fleurs une fois tous les cent ans. L’œuvre de Krúdy est la fleur d’aloès, mystérieuse et magnifique, de la littérature hongroise. » Imre Kertész, le Prix Nobel hongrois, lui a consacré de magnifiques pages. Malheureusement sur ses 86 romans, seul une dizaine est traduit en français. (Consulter la page Facebook Gyula Krúdy pour en savoir plus)

Les lieux : en Hongrie.

L’histoire : dans un train deux inconnus discutent, l’un a la quarantaine, coureur de jupons qui n’existe que
par ses aventures féminines mais qui finalement ne s’est jamais marié et est devenu un homme triste. « Il fut, néanmoins, un temps où j’étais cette sorte de merle blanc. J’ai explosé d’amour, comme une charge de dynamite placée dans une carrière d’où une fumée jaunâtre s’échappe le long de la pente de la montagne, avant de se disperser sans laisser de traces ».
L’autre est d’un naturel paisible, rendu mélancolique par son trajet dans le train. Il juge son compagnon de voyage bien élevé et il va l’écouter lui raconter son histoire, qui se déroule dans une petite ville de Haute-Hongrie qui n’est nommée que par X. L’homme à son arrivée se met à la recherche d’un logement chez un particulier, il déteste les auberges de province. Une chambre est à louer chez Mme Hartvig sur la place du marché. La maison lui plait, madame Hartvig aussi, une femme décrite comme une sainte femme mais aussi comme une nonne qui serait née avec des jambes de putain : « Dans une ville où j’étais étranger, je cherchais les aventures à l’instar d’un commis voyageur que l’ennui accable. Mme Hartvig attendait, elle aussi, une occasion, bien que je sois persuadé qu’il ne lui était jamais venu jusqu’alors l’idée de montrer à qui que ce fût ses jambes gainées de bas blancs. » Mais c’est à l’église qu’il remarque une jeune fille de 15 ans, Esztena, « des cheveux noirs, frangés, comme en sont coiffées les poupées, entouraient un visage créole… ». Il tombe sous le charme.

Mon avis : une magnifique écriture qui était très appréciée par les plus grands auteurs de l’époque (on l’a même comparé à Proust) et qui nous a été heureusement à nouveau proposée par Albin Michel et La Baconnière. Ce roman est finalement assez pervers et licencieux (nous sommes au tout début du XXe siècle), il nous entraine dans un tourbillon de sensations, nous fait découvrir une petite ville de province avec tous ses travers et ses hypocrisies. Ce livre mêle des personnages purs, d’autres qui sont habillés de pureté mais qui se donnent à l’envi, et enfin comme celui du héros un être entièrement voué au plaisir, qu’on n’arrive d’ailleurs pas à condamner… même si on peut penser que la chair peut être parfois bien triste. Il y a aussi de la mélancolie, un peu de forfanterie et des portraits savoureux des gens du peuple et de la bourgeoisie. A découvrir !

Pour résumer : ce roman est à déguster tranquillement pour s’imprégner de l’atmosphère particulière qui se dégage de l’écriture de Krúdy et qui est propre aux écrivains d’Europe de l’Est. De la grande littérature.

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