Parution : en 1980 il est publié par la famille de Pramoedya ANANTA TOER, en mars 2017 il est traduit en France, de l’indonésien, chez Zulma par Dominique Vitalyos.
Le genre, le style : fresque historique et romanesque ayant pour cadre les Indes néerlandaises à la fin du XIXe siècle. Le narrateur est le personnage principal, largement inspiré de l’histoire personnelle de l’auteur.
L’auteur : Pramoedya Ananta Toer est né en 1925 sur l’île de Java. Il a été emprisonné par le gouvernement colonial hollandais de 1947 à 1949. En 1965, accusé de sympathies procommunistes sous la dictature de Suharto, il est envoyé au bagne sur l’île de Buru, le goulag des mers du Sud, dont il sort en 1979, sous la pression internationale. Jusqu’à la fin de sa vie, en 2006, il est surveillé et systématiquement censuré.
L’œuvre de Pramoedya Ananta Toer est considérable – plus de cinquante romans, nouvelles et essais, traduits dans près de quarante langues. Le Buru Quartet, son chef-d’œuvre est publié dans son intégralité en quatre volumes.
Les lieux : l’île de Java (Indonésie), Pays-Bas.
L’histoire : Voici le nouveau volet d’une histoire qu’on voudrait sans fin tant elle est captivante et considérable. L’histoire que « Pram » racontait à ses compagnons de bagne sur l’île de Buru – une histoire aventureuse et romanesque, une histoire politique aussi, qui nous emmène à Surabaya, en Indonésie, au tournant du siècle.
Jeune intellectuel javanais, Minke s’est vu ravir sa
femme au lendemain de leurs noces. À Ontosoroh, concubine d’un riche colon, on a ravi sa fille, et bientôt le domaine qu’elle a mis une vie à bâtir. Face aux rouages bien rodés de la domination coloniale, Minke et Ontosoroh sont désormais indéfectiblement liés. Le combat n’en est qu’à ses débuts…
En rencontrant Surati, défigurée volontaire pour échapper aux griffes du directeur hollandais de la sucrerie, ou Trunodongso, paysan exproprié et ses rêves de sédition, Minke se décide à prendre la plume, et à écrire au nom de son peuple. (texte éditeur).
Mon avis : 2e volume époustouflant ! fini le temps un peu plus léger de l’adolescence estudiantine, des amours et des conflits entre camarades. Les personnages sont en place, le contexte politique est cerné, révoltes, soulèvements (les Philippins par exemple qui se libèrent des Espagnols pour tomber sous domination américaine) et tentatives de rébellion venue de Chine incarné par un jeune homme nommé Khouw Ah Soe (moments très forts). Pendant que les catastrophes s’abattent sur la jeune vie de Minke, qui est devenu journaliste, cette deuxième partie fait la part belle aux prises de conscience individuelle et collective. Minke, indigène toujours aussi fasciné par les progrès qu’apportent la civilisation européenne est ébranlé page après page par ses différentes rencontres. Il prend conscience peu à peu de tout ce que vit son peuple, la colonisation néerlandaise n’est pas meilleure que celle imposée à tous les autres peuples. La question japonaise interroge, les nations occidentales ayant reconnu les Japonais comme leurs égaux, avec les mêmes droits que les Purs-Blancs. Le sentiment d’injustice est partout, il s’incarne dans Surati jeune fille qui préfère se sacrifier plutôt que de devenir la concubine d’un administrateur de sucrerie, et trouve un aboutissement magnifique à la fin du livre, dans la lutte que doit mener Ontosoroh Nyai (concubine) de feu Hermann Mellema, pour conserver son entreprise.
Pour résumer : aussi passionnant que le premier volume par sa richesse romanesque et sa force humaniste, Enfant de toutes les nations est une œuvre majeure à la hauteur de la fascination de l’auteur pour les grandes révolutions, surtout celle de 1789 en France. Je vais de ce pas trouver en librairie le troisième volume Une empreinte sur la terre.