Parution : sous le titre Alias Grace en 1996 au Canada, en 1998 en France chez Robert Laffont et en format poche en 2003 et 2017 chez 10/18.
traduction de l’anglais (Canada) de Michèle Albaret-Maatsch.
Le genre, le style : roman inspiré très largement par un fait divers qui a bouleversé le Canada au 19e siècle. Chaque personnage prend la parole alternativement que ce soit sous forme épistolaire, sous forme de récit ou de confession.
L’auteur : Margaret est née à Ottawa en 1939, elle est l’auteure d’une quarantaine de livres – fiction, poésie et essais critiques. Traduite dans plus de cinquante langues, elle est l’une des plus grandes romancières de notre temps. Son pedigree est tellement riche que je vous dirige sur un lien en français et un en anglais (son site officiel). Sont notamment parus chez Robert Laffont, dans la collection » Pavillons » Le Tueur aveugle (Booker Prize 2010), La Servante écarlate, Le dernier Homme, La vie avant l’Homme, etc.
Les lieux : au Canada dans l’Ontario (Toronto, Kingston, Richmond Hill).
L’histoire : 1859. Grace Marks, condamnée à perpétuité, tourne lentement en rond dans la cour d’un pénitencier canadien. À l’âge de seize ans, elle a été accusée de deux meurtres horribles. Personne n’a jamais su si elle était coupable, innocente ou folle. Lors de son procès, après avoir donné trois versions des faits, elle s’est murée dans le silence : amnésie ou dissimulation ? Le docteur Simon Jordan, jeune et prometteur spécialiste de la maladie mentale, veut découvrir la vérité. Il obtient l’autorisation de rencontrer Grace, de la faire longuement parler…
Avec lui, la prisonnière va dévider le terrible fuseau de ses souvenirs : son enfance irlandaise, l’agonie de sa mère sur le bateau qui les emmène au Canada, ses emplois de domestique, la mort de sa seule amie…
À écouter ce récit, Grace ne semble ni démente ni criminelle, et pourtant, que sont ces troublants rêves qu’elle cache à Jordan : cauchemars, hallucinations ou réminiscences d’actes monstrueux ?
Mon avis : Inspiré d’un fait divers sanglant qui eut lieu en 1843, l’assassinat de Thomas Kinnear et de sa gouvernante (et maitresse) Nancy, nous plongeons dans un fascinant et morbide mystère, oscillant sans cesse entre vérité et mensonge.
Le texte colle aux événements, il est hyper bien documenté et souligne les temps difficiles qui attendaient les servantes et bien évidemment, et comme toujours, surtout les femmes qui devaient subir les mauvais traitements des patronnes et les assauts sexuels des patrons avec à la clef la déchéance qui suivait les accouchements. Ce roman est à rapprocher de celui que j’ai lu en 2015, L’affaire de Road Hill House de Kate Summerscale, mais, contrairement au livre de Kate, Margaret introduit des personnages imaginaires, l’autre différence c’est qu’il ne s’agit pas d’une histoire qui fera évoluer la société canadienne mais « seulement » d’une affaire sordide et d’un destin personnel. J’ai suivi avec beaucoup d’affect l’histoire de cette famille et singulièrement celle de Grace, gamine irlandaise nantie d’un père abject qui doit à tout juste 10 ans déjà servir chez les autres pour gagner trois sous. L’intérêt de ce roman est décuplé parce qu’on ne saura pas si elle était coupable ou innocente, cela on le sait depuis le 19e siècle donc je ne divulgâche rien. Un autre intérêt à ce livre les échanges épistolaires des médecins, tous en désaccord les uns avec les autres sur l’état mental de Grace, qui découvrent à cette époque les premiers travaux sur la folie.
Pour résumer : je recommande vivement ce roman, il n’a rien à voir avec La servante écarlate que j’avais lu précédemment sauf à se préoccuper du sort des femmes que ce soit dans le passé ou dans le futur.
Après The handmaid’s tale, ce roman est lui aussi devenu une série TV (Netflix), sous le titre Alias Grace, avec Sarah Gadon, Zachary Levi et Anna Paquin.