
Parution : en mars 2018 toujours aux excellentes éditions Zulma. Traduction de l’indonésien par Dominique Vitalyos.
Le genre, le style : fresque historique et romanesque ayant pour cadre les Indes néerlandaises à la fin du XIXe siècle. Le narrateur est le personnage principal, largement inspiré de l’histoire personnelle de l’auteur.
L’auteur : Pramoedya Ananta Toer est né en 1925 sur l’île de Java. Il a été emprisonné par le gouvernement colonial hollandais de 1947 à 1949. En 1965, accusé de sympathies procommunistes sous la dictature de Suharto, il est envoyé au bagne sur l’île de Buru, le goulag des mers du Sud, dont il sort en 1979, sous la pression internationale. Jusqu’à la fin de sa vie, en 2006, il est surveillé et systématiquement censuré.
L’œuvre de Pramoedya Ananta Toer est considérable – plus de cinquante romans, nouvelles et essais, traduits dans près de quarante langues. Le Buru Quartet, son chef-d’œuvre est publié dans son intégralité en quatre volumes.
Les lieux : l’île de Java (Indonésie), Pays-Bas, Paris.
L’histoire : dans le troisième volume de Buru Quartet nous retrouvons le personnage central Minke qui, lors de voyages dans les campagnes javanaises, a pris conscience de la dure vie des paysans et des exactions des colons hollandais et de leurs collaborateurs javanais .
Admis à l’école de médecine de Betawi, la seule qui accepte les indigènes, il entame une scolarité hachée par les libertés qu’il prend avec le règlement. En effet sa notoriété le mène à sortir fréquemment de l’école, pour se rendre aux invitations du Résident général représentant la reine des Pays-Bas, ou bien pour s’inquiéter de la santé de Ang San Mei, sa nouvelle compagne.
Renvoyé de l’école, Minke s’engage alors définitivement sur la voie du combat contre la puissance coloniale néerlandaise.
Mon avis : Minke passe à l’action avec quelques hommes fidèles et une femme, Mei, professeur et activiste chinoise. Il va créer un premier syndicat, une association pour l’éducation des masses, un journal indépendant en malais… La maturation a été longue, il comprend qu’il n’est plus temps de comprendre le monde, mais de le changer ! Soutenu à distance par son ex belle-mère Ontosoroh, qui habite désormais à Paris, il s’aperçoit que rien n’est simple. Les soutiens de Minke, tout comme lui, tâtonnent, quel est le but commun ? Ils se fédèrent dans un premier temps autour des communautés : chinoise, musulmane, arabe, javanaise, japonaise, …
« – L’important n’est pas d’inclure les multiples composantes de la population, je pense, mais d’identifier et de s’entendre sur les éléments susceptibles de fonder une unité.
– Vous avez raison : les facteurs d’unité tels qu’on peut les trouver dans chacune des ethnies qui forment la population des Indes. »
(…) En tant qu’association intracommunautaire, en s’isolant des autres composantes de la population des Indes, en réfutant leur réalité et leur importance, Budi Utomo avait passé le cap de sa première année d’existence. Si l’on fondait une association sur la base de la religion… Mais il en existait de nombreuses dans les territoires colonisés des Indes. Certains peuples n’en professaient aucune, se contentant d’un culte des ancêtres. Alors ? Où était le véritable dénominateur commun des peuples ?
Pour la énième fois, j’avançais à tâtons dans l’obscurité. »
Chacun fait l’apprentissage de l’émancipation politique, prenant modèle sur ce qui se passe ailleurs, notamment en Chine mais aussi dans l’histoire européenne avec en bonne place la révolution française. Les caractères des personnages sont toujours bien construits que ce soit dans l’aspect historique de la fresque ou bien dans l’aspect romanesque, P.A.Toer est un écrivain malin ! La vie personnelle de Minke ne s’efface pas au profit du politique, tout s’imbrique parfaitement.
Pour résumer : le troisième volume ne baisse pas de régime, il me reste le 4e et dernier La maison de verre paru le 22 novembre 2018 😊.