Les hommes de bonne volonté de Jules ROMAINS volume 3

les hommes de bonne volonté 3Parution : de 1932 à 1946 aux éditions Flammarion puis en 1958 chez Robert Laffont. Réédité dans la collection Bouquins Laffont en 4 volumes comptant chacun 1300 pages environ.

Ce volume contient : 15 Prélude à Verdun – 16 Verdun – 17 Vorge contre Quinette – 18 La douceur de la vie – 19 Cette grande lueur à l’Est – 20 Le monde est ton aventure – 21 Journées dans la montagne.

Pour rappel volume 1 : 1 Le 6 octobre – 2 Crime de Quinette – 3 Les amours enfantines – 4 Eros de Paris – 5 Les superbes – 6 Les humbles – 7 Recherche d’une Église.

Pour rappel volume 2 : 8 Province – 9 Montée des périls – 10 Les pouvoirs – 11 Recours à l’abîme – 12 Les créateurs – 13 Mission à Rome – 14 Le drapeau noir.

Le style, le genre : ensemble romanesque qui se veut une synthèse de la première moitié du 20e siècle, entre 1908 et 1946.

L’auteur : Louis Farigoule est né le 26 août 1885 dans le Velay, à Saint-Julien-Chapteuil, mais grandit à Paris avec sa famille. En 1903 il prépare à Paris son concours d’entrée à l’École normale supérieure. C’est cette même année qu’il prend conscience de la communion des êtres humains, une conscience unique lie les êtres entre eux. L’unanimisme est né, qui consiste à saisir par une intuition directe la vie psychique des groupes et des collectivités. Il commence sa carrière littéraire par une plaquette de vers L’âme des hommes, sous le nom de Jules Romains. Dès 1908 il est très lié avec le groupe de l’Abbaye de Créteil, Georges Duhamel, Charles Vildrac, René Arcos, etc. qui se sont retirés à Créteil pour échapper aux servitudes de la société et y exercer un métier manuel, celui d’imprimeur. Il y publie La vie unanime.jules romains

C’est entre 1924 et 1939 que Jules Romains devient un écrivain traduit dans de nombreux pays, ses pièces de théâtre sont jouées partout (Knock ou le triomphe de la médecine, Donogoo, et bien d’autres), il est considéré comme l’un des trois plus grands auteurs dramatiques contemporains, avec Bernard Shaw et Pirandello.

En 1932 paraissent les quatre premiers volumes des Hommes de bonne volonté chez Flammarion : Le 6 octobre, Crime de Quinette, Les amours enfantines et Éros de Paris. Le succès est considérable. Pourchassé par la Gestapo (sa mère mourra en déportation), il s’exile à New-York où ses ouvrages connaissent un grand succès, certains des derniers volumes seront publiés aux Etats-Unis avant d’être tous réimprimés par Flammarion en France à son retour en 1946. Il meurt le 14 août 1972, il est inhumé au Père Lachaise.

Les lieux : le théâtre des combats dans les tranchées dont Verdun et Paris, Nice, la Russie, l’Auvergne.

L’histoire : Prévue, redoutée, honnie, la guerre s’installe en Europe et ravage bientôt le monde. L’« usine d’usure », le « mur » de fer et de feu se dressent entre les pays du vieux continent. Jerphanion, Clanricard, pour ne parler que d’eux, subiront de plein fouet cet « impensable événement » et en porteront des traces toute leur vie. Placés ainsi au sommet de l’œuvre, Prélude à Verdun et Verdun donnent sa signification aux Hommes de bonne volonté et permettent à Jules Romains de dresser un réquisitoire sans appel contre la « mauvaise volonté »… Mais, la tragédie finie, les personnages poursuivent leur passage sur cette planète. Troublé, Quinette assiste à l’arrestation de son double Landru, sous l’œil un rien diabolique du poète Vorge, recherchant le nouvel « ange noir » et persuadé de l’avoir découvert sous ce relieur bourgeoisement criminel… Jallez, niçois d’adoption, retrouve un peu de la « douceur de la vie » d’autrefois, avant de se plonger dans l’immensité russe dévorée par la famine. Il y sera rejoint par Jerphanion qui tente de démêler les saveurs d’un monde nouveau, tandis que le brasseur d’affaires Haverkamp poursuit son irrésistible ascension dans l’univers de l’argent. Jules Romains, en abordant la guerre de 1914-1918, puis les dix années suivantes, continue de recréer l’image complexe de son époque et les nouvelles lignes de force idéologiques qui trouveront leur épanouissement dans les derniers tomes.

Mon avis : à quoi reconnaît-on une grande œuvre ? À ceci : quand on interrompt une lecture pendant plusieurs mois avant de la reprendre et qu’on se rend compte que les personnages se sont immiscés en nous et que nous n’avons rien oublié des 2500 pages précédentes commencées en mars 2020.

C’est ce qui m’est arrivé avec ce troisième volume de la collection Bouquins. Les deux premiers romans Prélude à Verdun et Verdun sont consacrés à la guerre de 14/18 qui est vue à hauteur d’homme dans les tranchées, les incursions à l’arrière dans les états-majors ont alors une résonance bien sinistre.

(Le député puis ministre Gurau en rendez vous avec Joffre) « Si quelqu’un, à cette table, se mettait à parler de l’horrible fléau qu’est la présente guerre pour la civilisation, Joffre ne protesterait certes pas, car on le sent sincèrement ami de la paix. Mais c’est nous qui, baignant dans les effluves de Joffre, nous demanderions si les mots « d’horrible fléau » ne sont pas un peu ampoulés ; si le monsieur ne noircit pas un peu les choses à plaisir. Moi-même, tout à l’heure, j’ai mis Verdun sur le tapis. Joffre n’a pas semblé prendre mal mon intervention. Il m’a répondu que la situation de Verdun le préoccupait lui aussi, que l’hiver ne se passerait pas sans qu’il eût mis bon ordre de ce côté-là. Mais sa réponse m’arrivait sur de telles ondes de confiance que je me suis retenu ensuite pour ne pas lui dire : « Oubliez les remarques que je vous ai faites au sujet de Verdun. Je ne voudrais surtout pas que vous vous tourmentiez ».

Publiés en 1938 ces quinzième et seizième titres consacrés au massacre collectif retentit fortement car au même moment, alors qu’il est engagé dans le mouvement pacifiste, dans la lutte contre les mouvements fascistes et ardent défenseur de l’amitié franco-allemande, Jules se résigne à couper les ponts avec l’Allemagne devenue hitlérienne.

Les deux romans suivants Vorge contre Quinette et La douceur de la vie sont les derniers à être publiés en France en 1939, avant de poursuivre les parutions à New York puis attendre ensuite le retour en Europe en 1946… Nous retrouvons le personnage de Quinette libraire et assassin confronté à Vorge un individu fasciné par les meurtres de femmes et prêt à reconnaître en Quinette un maître ès-crime. La douceur de la vie offre un moment plus léger en compagnie de Pierre Jallez installé à Nice pour l’hiver. Ce sont des promenades dans une ville qu’il adore, des impressions couchées sur le papier, des liaisons amoureuses, et enfin un poste obtenu  à la SDN (société des Nations).

La grande affaire intellectuelle et politique qui nous occupe dans Cette grande lueur à l’Est et Le monde est ton aventure, parus en 1941 à New York, est celle de la naissance du socialisme étatique. Nous retrouvons Sammecaud, Sampeyre, Marc de Champcenais, Haverkamp, Bartlett et Clanricard occupés à organiser des voyages là-bas pour voir ce qui s’y passe, les espérances et les méfiances y sont aussi bien représentées, d’autant plus que des signaux brouillent les perspectives, une grande famine y sévit…

« – Vous êtes communiste ? – Non je ne suis pas communiste, affirma Clanricard avec netteté, rougissant presque. Sur bien des points, je me sens même très éloigné des thèses communistes… et aussi des gens qui s’en font chez nous les défenseurs… Comment dire cela ? Je crois plus à la révolution russe qu’au communisme, plus à l’élan qu’elle incarne qu’à la doctrine qu’elle prétend appliquer. Ce qui m’attire, moi, c’est l’idée qu’il se dépense là-bas une force de renouvellement, de création, un enthousiasme, une foi en l’avenir de l’homme, un héroïsme, parmi peut-être des excès terribles… J’ai envie malgré moi d’en approcher, d’y participer. – Oui, dit Jerphanion, en le regardant bien en face avec amitié, il y a un peu de cela chez tout le monde, même chez ceux que la révolution russe terrifie, ou horrifie, pour de hautes ou basses raisons…même chez ceux qui voient en elle la plus grande menace pour leurs intérêts matériels ou spirituels… »

Le dernier roman du volume 3 Journées dans la montagne nous offre un contraste total, presque un dépaysement, nous sommes en 1924 non loin de Brioude et du Puy en Velay (terre de naissance de Jules Romains, Saint-Julien-Chapteuil), nous suivons les déplacements électoraux du candidat à la Chambre, Jean Jerphanion. Discours au banquet de l’Amicale des instituteurs de la Haute-Loire, réception par le « seigneur » local, Pouzols-Desaugues, suivi des histoires campagnardes, des crimes possiblement commis, et visites au curé au menu !

Pour résumer : valeur sûre, je confirme mon conseil de lecture. Le quatrième et dernier volume et ses six romans vont m’accompagner encore plusieurs mois…

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. lorenztradfin dit :

    Whaoua ! Quel programme ! Merci d’avoir braqué les projecteurs sur la partie de l’oeuvre dans l’ombre de « Knock »

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